En 1988, année où sort Alien Nation (Futur immédiat, Los Angeles 1991) de Graham Baker, 1991 fait encore partie du futur, un futur proche, certes, mais que le film, malicieusement, nous montre très différent du nôtre. Non pas parce que la vie quotidienne y est très différente — voitures et immeubles sont les mêmes qu’en 1988 — mais parce que des extra-terrestres ont débarqué sur la Terre. Ils font désormais partie des minorités ethniques et si quelques-uns ont rejoint la police ou sont devenus riches, la plupart traînent leur misère dans les bas quartiers. Pour la première fois, un scénariste (ici Rockne O’Bannon, qui n’a rien à voir avec Dan O’Bannon, lui-même scénariste d’Alien) n’assimile pas au danger ce qui vient d’ailleurs. Les aliens ne sont pas supérieurs aux humains et ne cherchent pas à les dominer. Ils sont même, nous précise-t-on, une race d’esclaves, explication de leur situation de clochardisés qui se saoulent au… lait tourné. Tout irait donc pour le mieux si quelques-uns d’entre eux ne commettaient un meurtre, qui plus est celui d’un officier de police de Los Angeles.
Pour suivre cette trame plus ou moins science-fictionnesque, Alien Nation reprend une recette qui fonctionne toujours dans le cinéma américain : celle du buddy movie. Deux gars que rien ne rapproche vont devoir faire équipe pour mener l’enquête. L’année précédente, Lethal Weapon (L’arme fatale) a donné le la, suivi par quelques autres : Double détente, Turner & Hooch (mais là, le duo était composé d’un flic et d’un chien), Rush Hour… Donc ici, le flic humain (James Caan) devra supporter son coéquipier alien (Mandy Patinkin).
Si le scénario reste classique, avec son lot de séquences d’action et d’humour, la présence des aliens et le fait que l’histoire se déroule dans un futur proche donnent prétexte à plusieurs gags : comme l’affiche de Rambo 6 au fronton d’un cinéma — à l’époque, on n’en est qu’au 3 — ou la pub Pepsi avec un alien. Graham Baker et Rockne O’Bannon s’amusent ainsi tout au long du film à dynamiter les codes : l’antisoviétisme (pourquoi les aliens n’ont-ils pas débarqué en Russie ?), les sitcoms (la famille de l’extra-terrestre), les allusions au sexe (le questionnement sur les préservatifs), etc. Citons encore le nom de l’alien détective, Samuel Francisco, qui se raccourcit en Sam Francisco… ce qui fait que James Caan préfère l’appeler George.
Malgré cette charge humoristique, on regrettera juste que le scénario ne cherche pas plus à bousculer le genre ou à s’en moquer carrément comme le fera Last Action Hero cinq ans plus tard. On s’abstiendra de comparer, c’est une évidence, Graham Baker et John McTiernan. Graham Baker qui, à part ce sympathique Alien Nation, n’a guère laissé de traces, si ce n’est avec le plutôt risible Beowulf, starring Christophe Lambert.
Signés par Stan Winston, John M. Elliott Jr et Zoltan Elek, les effets spéciaux et les maquillages sont réussis, à tel point que l’on a du mal à reconnaître Mandy Patinkin ou Terence Stamp. La vision de ce Futur immédiat ne va certes pas changer nos vies mais nous replonge agréablement dans une époque où le cinéma américain, déjà à bout de souffle sur pas mal de sujets, essayait de les réinventer grâce à l’humour.
Le film a bien marché puisqu’une série TV du même titre fut produite en 1989. Depuis deux ans, Hollywood annonce que Jeff Nichols préparerait un remake d’Alien Nation n’ayant que peu à voir avec le film précédent, puisqu’il bénéficierait d’un scénario original consacré aux minorités. On l’attend avec impatience !
Jean-Charles Lemeunier
Futur immédiat, Los Angeles 1991
Année : 1988
Titre original : Alien Nation
Origine : États-Unis
Réal. : Graham Baker
Scén. : Rockne S. O’Bannon, James Cameron (non crédité)
Photo : Adam Greenberg
Musique : Curt Sobel
Montage : Kent Beyda
Durée : 91 min
Avec James Caan, Mandy Patinkin, Terence Stamp…
Sortie par Carlotta Films en DVD et Blu-ray le 26 septembre 2018 (nouveau master restauré haute définition).