C’est tous les ans la même chose et pourtant, à chaque fois, les quelque 5000 spectateurs qui occupent la halle Tony-Garnier, à Lyon, ressentent la même émotion : être aussi nombreux pour contempler un sacré échantillon d’acteurs, actrices et cinéastes annoncer l’ouverture du festival Lumière, organisé par l’institut du même nom et soutenu par la métropole rhônalpine. « Il est le deuxième plus grand festival de France après Cannes, s’enorgueillit son délégué général Thierry Frémaux, en termes de nombres de salles et de films présentés. » Et il sait de quoi il parle puisque, à la tête de l’Institut Lumière, il dirige aussi les deux festivals, Cannes et Lyon.
Excusez du peu mais, pour cette dixième édition, arrivent tour à tour dans la halle Jerry Schatzberg, Asghar Farhadi, Hugh Hudson, Liv Ullmann, Javier Bardem, Bertrand Tavernier, Françoise Fabian, Robert Hossein, Monica Bellucci, Vincent Lindon, Guillermo del Toro, Jean Dujardin, Christophe Lambert, Michèle Laroque, Anne Parillaud, Elsa Zylberstein, Juan Antonio Bayona, Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet, Lucien Jean-Baptiste, Charles Gérard, Julie Ferrier, Stéphane De Groodt, Jacques Fansten, Christian Carion, Maryam D’Abo, Marianne Denicourt, Laurent Gerra, Audrey Dana, Evelyne Bouix, Candice Patou, Jean-Paul Belmondo, Richard Anconina et Claude Lelouch, puisque c’est Itinéraire d’un enfant gâté qui a été choisi pour cette ouverture.
Avant cela, Thierry Frémaux choisit de laisser la parole à l’architecte Renzo Piano, qui a conçu un projet de « cité Lumière » qui permettrait l’agrandissement de l’Institut dans le quartier lyonnais Monplaisir, et en présente la maquette. Laquelle, filmée par un Claude Lelouch, est retransmise sur grand écran. Puis, le délégué du festival et Bertrand Tavernier, président de l’Institut Lumière, rendent hommage au cinéaste ukrainien Oleg Sentsov « pour son combat poignant ». « Je me souviens, rappelle l’auteur du Juge et l’assassin, d’un roman soviétique qui s’intitulait Un héros de notre temps. Je pense qu’Oleg Sentsov est un héros de notre temps. »
Entre chaque prises de parole, l’assistance peut voir un film Lumière ou l’un de ces clips dont le festival a le secret. Qu’il soit sur la programmation elle-même du festival ou sur l’un des invités, ces petits morceaux de cinéma sont capables de vous humidifier les yeux, tant y est présent l’amour du cinéma.
« Dans un monde où l’on vit, sous la dictature de l’immédiat, de la petite phrase qu’on va commenter, reprend Bertrand Tavernier, revenir sur des œuvres anciennes n’a pas de prix. La seule chose que je puisse souhaiter, c’est qu’on se retrouve dans dix ans ! »
Pour présenter son Enfant gâté, Claude Lelouch rappelle : « J’ai très vite compris que le chemin le plus court pour aller à mes rêves était le cinéma. Itinéraire est presque un film autobiographique. Moi aussi, j’ai eu envie de casser mes jouets. A la fin d ema première mi-temps, j’ai eu envie de faire une deuxième mi-temps fracassante, avec la tentation de disparaître vraiment. J’en ai parlé à Jean Paul (Belmondo) qui m’a dit : on va en faire un film ! Et d’ailleurs, je voulais vous annoncer que nous allions peut-être tourner la suite l’année prochaine. »
Et comme les organisateurs n’aiment jamais faire les choses à moitié, c’est un feu d’artifice de confettis sur l’ensemble des spectateurs qui mit fin aux discours avant la projection.
Rappelons que le prix Lumière 2018 sera attribué, à la fin de la semaine, à Jane Fonda. Qu’on croisera encore, au fil de cette même semaine, grâce à des rétrospectives qui leur sont consacrées, Liv Ullman, Javier Bardem, Peter Bogdanovich, Claude Lelouch, Françoise Arnoul, Cheng Pei-Pei, Biyouna, Jerzy Skolimovski, et bien d’autres encore. Que Stephen Frears viendra présenter sa série A Very English Scandal. Qu’on pourra voir enfin The Other Side of the Wind d’Orson Welles. Assister aux avant-premières des derniers films, en leur présence, d’Alfonso Cuaron et de Claire Denis. On découvrira aussi Le livre d’images de Jean-Luc Godard. On passera deux nuits avec la trilogie du Seigneur des anneaux et des films de Sergio Leone. Et l’on mourra de désespoir de ne pouvoir tout voir, car seront aussi programmés des cycles Henri Decoin, Muriel Box, Richard Thorpe, Max Linder, Buster Keaton, Charlie Chaplin, Catherine Hessling chez Jean Renoir, King Hu et Henry Fonda. Sans parler de 2001, La horde sauvage, Certains l’aiment chaud, Le voleur de bicyclette, Winchester 73, Adieu poulet, Les camarades, L’empire de la passion, New York 1997, Les chaussons rouges, Les forbans de la nuit, Les grandes gueules… On aurait envie de tous les citer tant est excitante la liste des films à l’affiche.

Les bons yeux reconnaîtront entre autres sur scène, de gauche à droite : Caro et Jeunet, T. Frémaux, J. Schatzberg, H. Hudson, M. D’Abo, M. Laroque, F. Jardin, C. von Alemann, J.A. Bayona, S. De Groodt, Philippe Lellouche, R. Hossein, L. Jean-Baptiste, G. Krawczyk, L. Ullmann, C. Lambert, G. Del Toro, F. Fabian, B. Tavernier, J. Ferrier, A. Parillaud, M. Bellucci, R. Personnaz, N. Marchak, L. Gerra, J. Fansten, C. Carion, A. Farhadi, J. Dujardin, V. Lindon, J. Bardem (Photo JCL)
Ajoutons encore des expositions, un workshop de Michel Ciment, une brocante, des prix pour récompenser un critique, un historien, une personnalité féminine du cinéma, des signatures de livres et des apartés musicaux en présence de Bernard Lavilliers ou de Catherine Frot, qui nous fera profiter d’un petit tour de chant.
Oui, la dixième édition du festival Lumière est bel et bien ouverte. Et maintenant, à nos agendas pour libérer le plus de temps possible afin de courir dans l’un ou l’autre de la quarantaine de lieux de la métropole lyonnaise qui participent à l’événement.
Jean-Charles Lemeunier