Il arrive que parfois, du fond d’un chapeau où reposent plusieurs petits papiers pliés contenant des noms, on en retire un tout à fait par hasard, qui s’avère de première importance. C’est ce qui semble être arrivé à Jim Cummings, parfait inconnu jusque là et qui, après plusieurs courts-métrages (dont Thunder Road en 2016 et l’incroyable The Robbery en 2017, qui figure en bonus sur le DVD), en arrive à écrire, réaliser, interpréter et monter un film tout bonnement formidable, tiré de son premier court et intitulé comme lui (et comme un film d’Arthur Ripley de 1958, interprété par Robert Mitchum) : Thunder Road.
Thunder Road, coup de cœur de beaucoup lors de sa sortie en salles, confirme avec sa parution en DVD et Blu-ray chez Blaq Out tout le bien qu’on pensait de lui. On a appris depuis que Cummings avait travaillé pour la télévision, tant comme réalisateur que comme acteur (il est dans La servante écarlate), et l’on attend avec impatience sa prochaine escapade cinématographique.
Tout commence par une messe d’enterrement. Un flic en uniforme, Jim Arnaud (Jim Cummings), enterre sa mère et se lance, parce qu’il a oublié son papier, dans un discours improvisé ahurissant. La scène s’étale dans le temps et l’on ne sait s’il faut sourire ou pleurer tant un malaise s’instaure, comme c’était le cas dans les films de Cassavetes, et l’on ne peut que saluer le numéro d’acteur de Jim Cummings, farfelu et grimaçant comme pourrait l’être Jim Carrey, larmoyant puis soudain souriant pour effacer les larmes, profondément, terriblement humain. Une magnifique prestation !
Jim annonce alors que sa mère adorait la chanson de Bruce Springsteen intitulée Thunder Road et qu’il va la mettre sur un ridicule radio-cassette… qui, forcément, ne fonctionne pas. Et l’on se dit que le générique, qui démarre juste après, va se dérouler accompagné de la musique du Boss. Que nenni ! Car Cummings n’est jamais là où on l’attend, de la même manière que son Jim Arnaud est imprévisible. Et l’on entendra jamais le titre de Springsteen qui est aussi celui du film.
Chez Jim Arnaud, rien n’est simple et l’on ne sait jamais quelle va être sa réaction. Il peut se mettre à exploser ou à s’effondrer, à sombrer dans la dépression et sortir des phrases formidables, comme « J’espère être renversé par un camion rempli de ciment ». Le mieux à faire est de se laisser prendre par la main par ce curieux énergumène qui nous offre un film déroutant, hors des sentiers battus et profondément humain.
En bonus, on trouvera sur le DVD le tout aussi formidable The Robbery, où comment un braquage tourne court. C’est tout à la fois humoristique et déprimant car le personnage principal, ici Rae Gray, est au fond du trou et fait n’importe quoi. Et là encore, c’est très bien joué.
Dans un autre bonus, on en apprend un peu plus sur Jim Cummings. L’acteur-réalisateur, qui joue la simplicité, se dit touché par le cinéma d’Alfonso Cuaron et d’Andreï Tarkovski. Des auteurs dont il revendique l’héritage. Encore un signe d’excellent goût.
Jean-Charles Lemeunier
« Thunder Road » de Jim Cummings. Sortie en DVD et Blu-ray chez Blaq Out le 8 février 2019.
Thunder Road
Origine : États-Unis
Année : 2018
Réal., scén. : Jim Cummings
Photo : Lowell A. Meyer
Musique : Jim Cummings
Montage : Brian Vannucci, Jim Cummings
Durée : 92 min
Avec Jim Cummings, Kendal Farr, Nican Robinson, Jocelyn DeBoer, Bill Wise…