Dans le bonus qui accompagne Schlock, le tueur à la banane (1973), premier film de John Landis enfin édité en DVD/Blu-ray par Carlotta Films, le cinéaste cinéphile explique qu’il s’est formé dans les salles de cinéma dès son plus jeune âge, et que c’est la vision du Septième voyage de Sinbad et les effets spéciaux époustouflants de Ray Harryhausen qui lui ont donné la vocation. Il allait tout voir, les pires nanars, les productions grindhouse, les films d’exploitation mais aussi les grands maîtres. Il cite Antonioni, Bergman, Fellini et conclut par : « Tout, de Truffaut à Larry Buchanan. » En cette période caniculaire, on ne saurait rêver éventail plus large.
Schlock, donc. On se retrouve devant ce film fauché et soutenu par son auteur avec un sourire gêné : « Je suis John Landis et vous allez voir Schlock, annonce-t-il en préambule. Désolé. » Voilà, on aura été averti. En fait, Schlock est l’un des premiers films où un réalisateur cinéphile surfe sur les hommages tous azimuts. On aura par la suite des titres tels que les deux Y a-t-il un pilote dans l’avion ? ou les Hot Shots des Zucker et Abrahams. Woody Allen l’a fait avant, ne serait-ce qu’avec Tombe les filles et tais-toi, mais il s’agit ici d’un coup de chapeau à un film que tout le monde adore, Casablanca. Schlock élargit les possibles puisque le point de départ, de l’aveu même de Landis, a été un obscur film britannique de Freddie Francis, Trog (1970, L’abominable homme des cavernes), le dernier interprété par Joan Crawford. Mais loin de se contenter de parodier ce petit film d’horreur, Landis va beaucoup plus loin et rend hommage également à King Kong, bien sûr, mais aussi Frankenstein avec les séquences où le singe est confronté à une enfant et une aveugle, à 2001, Odyssée de l’espace, à The Blob avec Steve McQueen jusqu’à faire reprendre à son personnage la mimique de Stan Laurel lorsque Schlock saccage la voiture d’un chauffard.
Mais reprenons du début. Schlock explore avec humour le thème du chaînon manquant entre le singe et l’homme, très à la mode à l’époque puisqu’il est au centre de Skullduggery (1970) de Gordon Douglas, qu’on en parle encore en 1975 dans un documentaire sur la légende du Bigfoot et que Picha en fera le sujet d’un film d’animation en 1980. L’absurdité règne en maître chez Landis qui fait de son héros un terrible tueur (le film ouvre sur une hécatombe de 239 victimes avec un tas de peaux de bananes sur les lieux du crime, d’où le banana spleen qui s’empare de la petite ville américaine où les faits se déroulent) mais aussi un sympathique animal confronté au monde stupide des humains. On découvre dans ce film plusieurs éléments qui vont être la marque de fabrique des films de John Landis, du ballet des voitures de flics qui zigzaguent sur les routes et qui vont trouver leur point d’orgue dans les deux Blues Brothers aux nombreux clins d’œil cinéphiliques. Et des gags complètements non-sensiques, tel le professeur Schlibovitz, spécialiste appelé sur les lieux du crime, et dont le prénom est Shirley, « un caprice » de ses parents.
Et puisqu’on ne peut prendre Schlock au sérieux, puisqu’on y retrouve le même esprit potache que dans les films de Joe Dante — on pense surtout à Amazon Women of the Moon alias Cheeseburger Film Sandwich, film à sketches auquel Landis a participé aussi —, autant laisser son esprit critique au vestiaire, prendre une bonne bière fraîche et se laisser porter par l’absence de propos en rigolant ou souriant, selon son humeur.
Jean-Charles Lemeunier
Schlock, le tueur à la banane
Titre original : Schlock
Année : 1973
Origine : Etats-Unis
Scén. et réal. : John Landis
Photo : Robert E. Collins
Musique : David Gibson
Montage : George Folsey Jr
Durée : 79 min
Avec John Landis, Saul Kahan, Joseph Piantadosi, Richard Gillis, Eliza Garrett, Charles Villiers…
Sortie en DVD et Blu-ray par Carlotta Films, dans une nouvelle restauration 4K approuvée par John Landis, le 3 juillet 2019.