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« Un jour un chat » de Vojtech Jasny : Malin comme un félin

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Tournée dans ce qui s’appelait encore la Tchécoslovaquie, cette fable poétique de Vojtech Jasny ressort en salles ce 1er décembre grâce à la ténacité de Malavida. Projeté dans la sélection Cannes Classics cette année, ce joli film qui ne s’adresse pas qu’aux enfants avait obtenu, dans ce même festival en 1963, un prix spécial du jury, ex æquo avec Hara-Kiri de Kobayashi.

Tout démarre en haut d’une tour d’où un vieux sage, M. Oliva (Jan Werich, qui a participé à l’écriture du scénario), observe le monde à la loupe en s’amusant. Nous faisons ainsi la connaissance d’un couple dans une chambre, d’enfants qui dessinent en bleu sur les murs, d’un trafiquant en vélo, d’un couple de restaurateurs en proie à une inspection, d’un fainéant qui s’écroule chaque fois qu’il doit travailler, d’un père qui fait semblant de boiter, etc. Ironiquement, Oliva décrit la société tchèque d’une petite ville, avec ceux qui suivent les ordres et ceux qui préfèrent s’en défier.

C’est ainsi qu’arrivent tour à tour à l’image le directeur de l’école, chasseur invétéré qui aime empailler les animaux, et son instituteur, le récalcitrant Robert. La taxidermie s’avère ici le symbole du conformisme ambiant, qui exclue toute poésie. Pour cette raison, le directeur conteste à Robert son droit à vouloir émerveiller les enfants en les faisant par exemple dessiner. Ou en les laissant dire que « les plus belles choses au monde sont la sincérité et l’amitié ». Ce à quoi ils ajoutent : « Mais il y a des gens qui mentent. »

« Chacun a sa vérité » proclame l’instit en toisant son supérieur, discours qu’on imagine difficile à entendre derrière le Rideau de fer. Pour illustrer cette poésie combattive des diktats, Vojtech Jasny filme les feuilles blanches sur lesquelles les enfants vont dessiner ce qu’il leur plairait de voir dans la ville. Et s’amuse à y insérer les images animées des habitants vaquant à leurs occupations.

Ces histoires de vérités, de mensonges et d’hypocrisie vont parcourir tout le film. Les Tchèques aiment bien flirter avec le fantastique et voici que débarque dans cette jolie petite ville que la caméra de Jasny aime illustrer de beaux plans — comme sont très beaux les portraits des enfants — une troupe de magiciens. Elle est dirigée par un homme qui est le parfait sosie d’Oliva et magnifiée par la présence de Diana dont le curieux chat porte des lunettes. Évidemment, la perte de cet ustensile entraînera des conséquences assez incroyables.

On comprend vite, à la vision d’Un jour un chat, que ce film destiné aux enfants porte aux adultes un tout autre discours, au-delà de cette fantaisie dont le manque fait tant souffrir le héros de l’histoire. Cette fantaisie est « une herbe fragile » que le prof désire inculquer aux enfants et qui « se fane quand part l’enfance ». Tout est question de regard dans le scénario et la façon de voir ce film sera différente, suivant que l’on soit sensible ou non à l’enfance, à la poésie et à l’invention.

Un film pour enfants, donc, certes. Mais que dire de certaines séquences ? Avec, par exemple, cette affirmation glissée discrètement que l’amour peut se vivre à trois ? Il suffit, pour le spectateur, de savoir regarder les couleurs.

Certes, quelques passages dansés peuvent paraître aujourd’hui datés mais l’ensemble des péripéties sont comme « une pincée de dimanche au cœur des jours communs », selon la belle phrase du magicien.

Jean-Charles Lemeunier

Un jour un chat
Année : 1963
Origine : Tchécoslovaquie
Titre original : Až přijde kocour
Réal. : Vojtech Jasny
Scén. : Vojtech Jasny, Jiri Brdecka, Jan Werich
Photo : Jaroslav Kucera
Musique: Svatopluk Havelka
Montage : Jan Chaloupek
Assist. réal. : Ivan Passer
Durée : 105 min
Avec Jan Werich, Emilia Vasaryova, Vlastimil Brodsky, Jiri Sovak…

Sortie en salles par Malavida le 1er décembre 2021.


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