Le démarrage de The Land Unknown (1957, L’Oasis des tempêtes) de Virgil Vogel, qu’Elephant Films sort en DVD et Blu-ray, repose sur une réalité : l’expédition dans l »Antarctique de l’amiral Richard Byrd en 1947. Il déclara avoir découvert, derrière des montagnes de glace, une oasis avec de l’eau débarrassée de tout iceberg, ce que l’on appela la théorie de la Terre creuse. Laquelle mit en émoi quantité d’adeptes des concepts les plus farfelus.

Il n’en fallait pas plus pour que, dix ans plus tard, cette découverte devienne réalité… hollywoodienne. Tourné par Universal, L’Oasis des tempêtes se base donc sur l’expédition de Byrd, dont on voit quelques images. Le film montre ensuite comment quatre personnes parties en hélicoptère vont se crasher dans un cratère et se retrouver en-dessous du niveau de la mer dans le décor luxuriant d’une forêt mésozoïque, sous une chaleur tropicale. Nous avons là un commandant (Jock Mahoney), une journaliste (Shawn Smith, connue aussi sous le nom de Shirley Patterson), un lieutenant (William Reynolds) et son copilote (Phil Harvey).
Qui dit Mésozoïque dit bien sûr dinosaures, bestioles que nos amis ne vont pas tarder à fréquenter. En ce sens, Virgil Vogel sait jouer avec le suspense. Vu que l’affiche elle-même montre des créatures du Secondaire, le spectateur de l’époque savait à quoi s’en tenir et attendait l’arrivée des sauriens géants. Vogel filme d’abord ce qui ressemble à une énorme chauve-souris — forcément un ptérosaure — qui percute l’hélico et le met en difficulté. Puis, la journaliste se tient devant une immense plante qui, derrière elle, agite ses tiges comme si elle désirait s’emparer d’elle. Ce qui, on s’y attend, ne manquera pas d’arriver. Et puis, il y a encore ce glougloutement dans l’eau d’un lac que nos explorateurs ne remarquent pas tout de suite et qui, à nous qui ne pouvons les avertir, nous fait craindre le pire. Jusqu’au moment où Phil Harvey découvre le cadavre, qu’on distingue vaguement, d’une bestiole dont on a du mal à définir la taille. Et, enfin, les héros assistent à un combat entre deux monstres.

Pour cela, la production a choisi de prendre deux véritables varans ou des iguanes, peu importe, qui ont été grossis et ressemblent parfaitement à ce qu’ils sont censés être. Le combat est redoutable et fait frémir, d’autant plus, ainsi que le remarque Fabien Mauro dans le supplément, qu’on a fait se battre et se blesser de véritables animaux pour un tournage. Sans doute moins poétiques que les prises de vue en stop-motion, c’est-à-dire image par image, qu’utilisait à la même époque le maître des effets spéciaux Ray Harryhausen, les véritables lézards agrandis font forte impression. Deux ans plus tard, pour son génial Voyage au centre de la Terre, Henry Levin prendra lui aussi des iguanes auxquels il rajoutera des collerettes, pour les rendre encore plus préhistoriques.
En revanche, quand il s’agit de montrer un T. Rex, c’est une tout autre paire de manches. Vogel ne peut maquiller un animal existant ni financer un stop-motion. Il choisit alors de recouvrir d’un costume en écailles un pauvre acteur (un certain Tim Smyth) qui va passer le film à effrayer Shawn et ses copains. Quant à l’étrange animal qui fainéante dans le lac, une sorte de plésiosaure — un élasmosaure, affirment les spécialistes —, il est assez bien réussi et se ramène toujours quand il ne faut pas… du moins pour les personnages. Parce que pour nous, spectateurs, c’est à chaque fois le bon moment.

Outre les dinosaures, il existe plusieurs autres bonnes raisons de regarder L’Oasis des tempêtes. Vogel nous offre quelques plans saisissants : il utilise à merveille la grue pour cette contre-plongée sur le groupe d’explorateurs vu par le tyrannosaure, avec sa tête au premier plan. Les transparences qui mettent face à face dinosaures et acteurs ne sont pas ridicules et l’utilisation du brouillard, à l’arrivée dans l’oasis, crée une atmosphère inquiétante.

Vogel sait aussi, au fur et à mesure que le récit avance, érotiser son actrice, aux vêtements de plus en plus déchirés et mouillés. Mahoney, qui deviendra Tarzan quelques années plus tard, se tire très bien du personnage monolithique qu’il joue. Il a la stature pour et on ne pourra qu’admirer son plongeon de l’hélicoptère dans le lac. Le film réserve aussi un joli rôle à Henry Brandon, qui incarna génialement le maléfique et mythique docteur chinois dans le serial Republic Drums of Fu Manchu. Autant dire que les amateurs (de série B, de films de dinosaures, de films Universal des années cinquante, etc.) y trouveront leur content.
Jean-Charles Lemeunier
L’Oasis des tempêtes
Année : 1957
Origine : États-Unis
Titre original : The Land Unknown
Réal. : Virgil Vogel
Scén. : Laszlo Gorog, William N. Robson, Charles Palmer
Photo : Ellis W. Carter
Musique : Henry Mancini, Heinz Roemheld, Hans J. Salter, Herman Stein
Montage : Fred MacDowell
Durée : 74 min
Avec Jock Mahoney, Shawn Smith, William Reynolds, Henry Brandon, Douglas R. Kennedy, Phil Harvey…
Sortie par Elephant Films en DVD/Blu-ray le 11 avril 2023.