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« La Fusée de l’épouvante » d’Edward L. Cahn : Un précurseur d’Alien

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It! The Terror from Beyond Space (1958, La Fusée de l’épouvante) que Rimini offre comme un cadeau aux amateurs de nanars science-fictionnesques a l’avantage d’être cité, avec La Planète des vampires de Mario Bava, comme l’un des films ayant inspiré l’Alien de Ridley Scott. Dans son blog, Bertrand Tavernier expliquait : « It! The Terror from Beyond Space peut en effet être considéré comme une des sources d’inspiration d’Alien et Dan O’Bannon, l’un des co-auteurs, le confirme. Le scénariste Jerome Bixby voulut faire un procès mais les producteurs d’Alien s’abritèrent derrière une nouvelle de Van Vogt avec qui ils s’arrangèrent. »

Nanar est d’ailleurs un mot un peu trop rapidement lâché. Certes, le film est produit par une petite compagnie, Vogue Pictures, dont les principaux titres de gloire sont signés par Edward L. Cahn. Certes, ce dernier est surtout connu pour les petites bandes de la fin de sa carrière, dans laquelle des monstres en caoutchouc terrorisaient sans doute plus les personnages du film que le public mais l’on verra que le monsieur vaut mieux que sa réputation de tâcheron. Souvenons-nous qu’à l’époque de la sortie de Cinquante ans de cinéma américain, Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon jugeaient It « exécrable ». Jugement quelque peu hâtif.

Car, non seulement cette Fusée de l’épouvante est plutôt bien bâtie, avec un suspense né du huis clos — des astronautes de retour de Mars sont enfermés dans un vaisseau spatial avec un monstre avide de leur sang — mais Cahn sait parfaitement qu’il vaut mieux ne pas trop éclairer sa créature, tant en pleine lumière elle pourrait paraître ridicule. Les années cinquante sont la grande époque de Paul Blaisdell, l’auteur de quantités de costumes de monstres qu’il jouait parfois. Dans le passionnant bonus du DVD/Blu-ray, Alexandre Jousse explique que Blaisdell avait conçu le costume du monstre pour lui-même et que ce fut finalement Ray « Crash » Corrigan qui le joua. Ainsi, le menton de Corrigan pointait-il par l’ouverture censée être la bouche de l’alien. Blaisell le fit passer pour la langue de la bestiole.

Ce système D employé par les petites compagnies américaines est passionnant. Et le suspense est ici bien mené. Redonnons la parole à Tavernier, en ce qui concerne la ressemblance avec Alien : « Il y a beaucoup de détails similaires : l’importance des coursives, des conduits de chauffage. » Et il est vrai que Cahn sait varier ses décors, dans un endroit pourtant limité. Il joue avec les escaliers qui mènent d’un étage à l’autre, avec les conduits et envoie même deux de ses astronautes dans l’espace. Ah, l’espace. Chaque plan d’une fusée, qu’elle soit sur le sol martien ou dans l’espace, déclenche les sourires. N’oublions pas que les effets spéciaux de l’époque, a fortiori dans des productions fauchées, n’ont rien à voir avec ce que nous connaissons aujourd’hui. Et nous n’en sommes quand même pas non plus aux ficelles soutenant les soucoupes volantes de Plan 9 from Outer Space (1959) d’Ed Wood Jr. lequel, il faut le reconnaître, en matière d’effets spéciaux, valait son pesant de cacahuètes, ce qui rend ses films d’autant plus sympathiques.

La Fusée de l’épouvante démarre en 1973 sur Mars, « une planète dangereuse, traîtresse ». L’équipage d’une première fusée a été entièrement décimé à l’exception du commandant (Marshall Thompson, futur interprète de la série Daktari) que, sur Terre, on considère comme coupable. On sous-entend même qu’il n’existe qu’un seul genre de monstre qui tue : l’humain ! Une deuxième fusée est donc envoyée sur la planète rouge afin de récupérer le criminel. Sauf qu’elle embarque également Ray Corrigan et son costume en caoutchouc, lequel mettra tout le monde d’accord quant à l’identité du coupable.

Un dernier mot sur le supplément d’Alexandre Jousse. Avec force images et extraits de films, il nous donne vraiment envie de découvrir le reste de la carrière du citizen Cahn, dont on sait qu’il la commença très bien avec l’excellent Law and Order (1932), découvert lors d’un festival Lumière et sorti depuis en DVD/Blu-ray chez Sidonis. Ses films des années trente semblent prometteurs, en attendant de pouvoir mettre la main sur ceux de SF des années cinquante, mythifiés par Jean-Pierre Putters dans ses bouquins Ze Craignos Monsters. « Cahn, écrivait ce dernier, laisse le souvenir d’un metteur en scène aux procédés un peu lourds mais capable de traverser quelques périodes d’inspiration fulgurante où il parvient à surprendre. » N’hésitons pas à classer dans cette catégorie cette Fusée de l’épouvante, ne serait-ce que pour tout ce qu’elle a inspiré à Dan O’Bannon et Ridley Scott

Jean-Charles Lemeunier

La Fusée de l’épouvante
Titre original : It! The Terror from Beyond Space
Année : 1958
Origine : États-Unis
Réal. : Edward L. Cahn
Scén. : Jerome Bixby
Photo : Kenneth Peach
Musique : Paul Sawtell, Bert Shefter
Montage : Grant Whytock
Effets spéciaux : Paul Blaisdell
Prod. : Edward Small et Robert E. Kent pour Vogue Pictures
Distribution : United Artists
Durée : 70 min
Avec Marshall Thompson, Shirley Patterson, Kim Spalding, Ann Doran, Dabbs Greer, Ray Corrigan…

Sortie en DVD et pour la première fois en Blu-ray dans la collection SF de Rimini le 4 octobre 2023.


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