4500 personnes se sont retrouvées, ce 14 octobre à la halle Tony-Garnier de Lyon, pour l’ouverture de la 14e édition du festival Lumière. À l’issue de laquelle, rappelons-le, Wim Wenders recevra le prix Lumière.
4500 est un beau chiffre qui n’étonne aucune des personnes présentes dans le public, habituées à cette manifestation, mais qui stupéfait à chaque fois les invités. On a déjà vu ici même Michael Cimino en larmes devant l’engouement montré à sa Porte du paradis, cuisant échec dans son propre pays. Et l’on vit ce soir-là Fabrice Luchini perturbé par l’immensité de la salle et lançant : « Je comprends ce que devait ressentir Johnny ! » Avant d’ajouter : « Pour lui, ça devait être une petite salle alors que, pour moi, le max est 800 personnes. »
L’acteur était au cœur de cette soirée d’ouverture, à qui l’on avait demandé de choisir un film. Son choix se porta d’abord sur Guitry pour finalement aboutir au Sunset Boulevard de Billy Wilder, que l’on prit beaucoup de plaisir à redécouvrir sur grand écran.

Fabrice Luchini se réjouissait aussi, lui qui avait joué le premier édile de Lyon dans Alice et le maire, d’être assis à côté de Grégory Doucet, l’actuel maire de la ville, et de voir dans la salle Michel Noir, qui le fut lui aussi. Mais les regards du public ne se portaient pas vraiment sur les politiques mais plutôt vers ceux qui, assis dans le public, gagnèrent bientôt la scène pour annoncer que le festival était ouvert : Wes Anderson, Alexander Payne, Terry Gilliam, Karin Viard, Edgar Ramirez, Daniel Bruhl, Laurent Lafitte, Emmanuelle Devos, Raphaël Personnaz, Dany Boon, Daniel Prévost, etc.

Sur cette même scène, Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière, du festival de Cannes et de ce festival Lumière, et Irène Jacob, présidente de l’Institut Lumière, évoquaient en premier lieu l’époque difficile que nous traversons, exhortant les spectateurs à « vivre cette fête comme un geste de paix ». Irène Jacob poursuivait : « Nous n’oublions pas les peines de notre monde divisé (…) Plus que jamais, nous avons besoin de croire aux rêves. En regardant un grand écran, je suis prise d’un sentiment d’immensité, d’ouverture. »
Après quelques intermèdes — une fanfare balkanique du cru, un karaoké géant, le défilé des 990 bénévoles du festival, des films restaurés des frères Lumière dont trois descendants étaient présents dans la salle —, Fabrice Luchini est monté sur scène pour dire son émotion devant les bandes-annonces du festival. C’est une évidence : celles-ci sont, tous les ans, très réussies, mélangeant films, musiques, rythmes et donnant l’envie de voir et revoir toutes ces images.

« Je suis converti à l’indulgence, clamait Luchini, comme dans les salles de théâtre où une humanité immense retient notre agressivité pour devenir spectateur de la vie. » Il évoqua donc Guitry, qui le bouleverse « parce que c’est la parole qui incarne l’éternité des silences », Bernard Blier, Bertrand Tavernier. Puis, poursuivant sa liste de grands noms du cinéma : « Je viens de finir un film de Christophe Honoré qui va s’appeler Marcello Mastroianni avec Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni et Melvil Poupaud. » Il s’arrête. « Pourquoi je vous dis ça ? Ça n’a aucun intérêt ! »
Encore plus volubile que d’habitude, Fabrice Luchini s’envole, lyrique, s’interrompt lui-même, repart dans une autre direction qui est toujours le cinéma, lui qui avoue ne pas être cinéphile. Thierry Frémaux lui demande de parler de Clouzot, dont l’un des films avait un instant été évoqué pour l’ouverture. « Chez Clouzot, reprend Fabrice Luchini, il y a un monstre, c’est Jouvet. Quand on le voit dans Quai des Orfèvres, avec son petit garçon… On lui a reproché de faire du Jouvet. Mais Jouvet, c’est… le jansénisme ! C’est du narcissisme construit, c’est, comme disait mon maître Michel Bouquet, le dalaï lama. Le cinéma nous réconcilie avec l’humanité. Le monde est laid, vous allez l’embellir, même si c’est un peu compliqué en ce moment. »

Le petit rituel s’est déroulé dans une toujours aussi bonne ambiance : sur scène, les invités déclarent le festival ouvert, phrase aussitôt reprise par l’ensemble du public. Ouverte et bien ouverte, la manifestation va offrir jusqu’au 22 octobre de nombreux hommages et rétrospectives. À ne plus savoir où donner la tête !
Jean-Charles Lemeunier

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