
Reparlons un peu de Malavida Films, dont la cofondatrice, Anne-Laure Brénéol, vient d’être consacrée par le festival Lumière à Lyon, où elle a reçu ce 18 octobre le prix Fabienne-Vonier pour « la qualité de son travail et la générosité et la cinéphilie avec laquelle elle exerce son métier de distributrice ». Toutes nos félicitations donc à l’heureuse élue dont Versus suit le travail depuis plusieurs années.

Fidèle à ses auteurs, l’éditeur permet de mieux connaître la filmographie de cinéastes consacrés, telle la récente rétrospective des films de Louis Malle, comme celle d’auteurs plus jeunes, à l’image de Bertrand Mandico. La scuderia, ainsi que s’est baptisée l’équipe, s’est aussi spécialisée dans le cinéma en provenance des pays de l’Est. C’est ainsi que Malavida continue de nous faire découvrir les œuvres du Tchèque Jiří Menzel (1938-2020), en ressortant en DVD deux de ses films : Rozmarné léto (1968, Un été capricieux) et Vesničko má, středisková (1985, Mon cher petit village). Deux sujets qui, délaissant le mordant d’une critique politique — Trains étroitement surveillés, Alouettes, le fil à la patte — prennent l’allure de deux contes philosophiques. Ou, mieux, à la manière d’Une blonde émoustillante, de chroniques humanistes dont chaque personnage est chaleureusement étudié, qualités et défauts confondus. Ajoutons encore que l’on retrouve dans les deux films l’excellent Rudolf Hrušínský, également présent dans Alouettes, le fil à la patte mais aussi dans le fabuleux Incinérateur de cadavres de Juraj Herz, lui aussi disponible dans le catalogue Malavida.

Menzel ouvre Un été capricieux, son troisième film, sur trois copains, Antonin (Rudolf Hrušínský), le Major (Vlastimil Brodský) et l’Abbé (Frantisek Rehák) qui passent leur temps à picoler et se baigner dans la rivière qui borde le cabanon d’Antonin et sa femme (Míla Myslíková). Soleil et pluie jouent à cache-cache, d’où le titre moqueur du film qui prouvera que le destin est tout autant versatile que la météo.

Le quotidien quelque peu monotone, rythmé par les changements pluviométriques de l’été et les conversations philosophiques, va soudain se trouver bousculé par l’arrivée d’un magicien (Jiří Menzel) et de la délicieuse Anna (Jana Preissová). Une jolie fille que chacun des trois copains va se mettre en tête de conquérir. Par une jolie pirouette, Menzel signifie qu’on a tort d’espérer sortir d’une quiétude agréable. Signé par Menzel et Václav Nývlt, le scénario est tiré d’un court roman de Vladislav Vančura dont on apprend (merci wikipedia) que « le véritable héros en est la langue qui mêle archaïsmes et prosaïsmes ». Vancura est également l’auteur de Marketa Lazarová, adapté à l’écran en 1967 par František Vláčil — un film qu’Artus Films vient d’éditer en DVD/Blu-ray.

Comme son titre l’indique, Mon cher petit village se déroule lui aussi dans la campagne tchèque. Gentiment moqueur, Menzel fustige les nombreux personnages, les rendant sympathiques grâce à leurs défauts. Rudolf Hrušínský est encore présent, campant un médecin humaniste mais piètre conducteur. János Bán incarne un simple d’esprit, formant avec son complice Marián Labuda un duo à la Laurel et Hardy.

Citons encore la jeune femme volage et son amant, en proie à la jalousie violente du mari, les vieilles personnes qui commentent tout ce qui se passe dans le village, ceux en provenance de la ville (Prague) qui convoitent une maison, un gamin amoureux de l’institutrice de sa sœur, tout un panorama de braves gens (exception faite du mari jaloux) qui permettent à Menzel de filmer un éloge de la simplicité.

Avec Un été capricieux et Mon cher petit village, on découvre une autre facette de Jiří Menzel déjà présente dans Une blonde émoustillante : celle de la chronique, qui s’intéresse à son pays et ses compatriotes, sans chercher outre-mesure à en critiquer ce qui est critiquable.
Jean-Charles Lemeunier
Sortie en DVD par Malavida Films le 18 octobre 2023 avec, pour chaque DVD, un livret de 16 pages.