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« Civil War » d’Alex Garland : Voyage au bout de l’enfer

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Le sujet des journalistes de guerre est en soi un thème cinématographique qui a fait ses preuves. Il suffit de penser à L’Année de tous les dangers (1982) de Peter Weir, La Déchirure (1984) de Roland Joffé, Salvador (1986) d’Oliver Stone, Eyes of War (2009) de Danis Tanović voire Un cœur invaincu (2007) de Michael Winterbottom sur l’enlèvement de Daniel Pearl au Pakistan.

À chaque fois, le film dresse le constat de la barbarie de la guerre tout en se situant dans un camp : celui de l’Occident. Ou, pour faire court, des États-Unis. Qu’arrive-t-il avec Civil War ? Alex Garland renverse la vapeur puisque les deux forces en présence sont américaines. Des états ont fait sécession et le pays est à présent divisé en deux, Américains contre Américains. Si bien que les héros du film, des journalistes incarnés par Kirsten Dunst, Cailee Spaeny, Wagner Moura et Stephen McKinley Henderson (tous excellents), ne savent jamais trop à quel corps d’armée ils ont affaire.

Il serait facile de penser que cette dystopie annonce l’arrivée d’un président qui va fracturer le pays — et tous les regards se tournent vers l’un des candidats aux prochaines élections US — mais Garland se garde bien de définir ni de nommer les camps. On ne sait même pas pourquoi la sécession a eu lieu.

Civil War suit donc l’avancée des reporters à travers un pays dévasté, détaillant les nombreux dangers qui les guettent. Les images sont belles et l’on ne peut s’empêcher de penser à Apocalypse Now — et, malin, Garland nous offre une séquence emplie d’hélicoptères — et à la guerre du Vietnam assimilée par Coppola à un grand foutoir. On se souvient de cette scène dans laquelle le gradé Martin Sheen, arrivé au milieu d’une bataille, demande à un soldat qui commande. La réponse tombe : « C’est vous, non ? » Il en va de même dans Civil War. Appareils photo en bandoulière, les journalistes s’infiltrent dans les combats et demandent à chaque fois : « Vous êtes l’armée de l’Ouest ? » Car ici rien n’est sûr, les uniformes sont les mêmes et les combattants appartiennent tous à la même nation.

Bien entendu, Civil War ne justifie aucune guerre et n’en montre que les aspects les plus barbares : charniers, exécutions sommaires, cadavres et bâtiments détruits qui renvoient à des images qui, malheureusement, envahissent de plus en plus nos écrans. Comment ne pas penser à l’Ukraine ou à Gaza ?

Garland se paie même le luxe de poser la question de l’utilité des journalistes et de leur témoignage. C’est ainsi que Kirsten Dunst explique son travail : le souci du témoignage. Sauf qu’on ne sait plus bien ici s’il existe encore des journaux capables de publier ses clichés — il est à moment donné question du New York Times mal en point — et qu’on s’interroge : les photographes saisissent la mort et la traquent, cherchant la photo ultime, celle qui symbolisera le conflit. Mais ils le font pour qui ? Pour nous ? Nous, spectateurs de cinéma ou de reportages télévisés, qui les regardons, ces images, voyeurs et fascinés ?

Jean-Charles Lemeunier

Civil War

Année : 2024

Origine : Grande-Bretagne, États-Unis

Réal. et scén. : Alex Garland

Photo. : Rob Hardy

Musique : Geoff Barrow, Ben Salisbury

Montage : Jake Roberts

Durée : 109 min

Avec Kirsten Dunst, Wagner Moura, Cailee Spaeny, Stephen McKinley Henderson, Nick Offerman, Jesse Piemons…

Sortie en salles par Metropolitan Films le 17 avril 2024.


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