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« Le pionnier de l’espace » de Robert Day : Un alien aliéné

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L’histoire est connue, du moins lorsqu’elle se déroule aux États-Unis : il faut regarder le ciel car les envahisseurs qui s’y promènent sont rarement sympathiques. En pleine guerre froide, ils furent même carrément taxés de communisme, la pire des horreurs.

Avec First Man into Space (1959, Le pionnier de l’espace) de Robert Day, qu’Artus Films a la bonne idée d’exhumer de l’oubliette où il était enfoui, nous voici en présence d’une filmographie beaucoup moins connue dans nos contrées : le film de SF à la sauce british ! Il y en eut quelques-uns, suffisamment en tout cas pour nourrir le livret qui accompagne le DVD d’Artus, dû à la plume élégante d’Alain Petit. Abondamment illustré, ce petit bouquin de soixante pages nous accompagne dans un agréable voyage à travers les films d’anticipation et de science-fiction produits en Angleterre depuis 1901 (The Elixir of Life et An Over Incubated Baby).

 

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À côté des Quatermass et autres Daleks beaucoup plus connus chez nous, voici donc que débarque ce Pionnier de l’espace que l’on pourrait aisément confondre avec un film américain, tant le sujet (un astronaute s’échoue sur Terre après un voyage dans l’espace) et l’acteur principal (Marshall Thompson, acteur de série B qui obtiendra son quart d’heure de gloire avec la série Daktari en 1966) pourraient nous induire en erreur. À la différence près qu’ici, c’est l’homme et son besoin de conquête qui créent problème, surtout lorsqu’il veut à tout prix pénétrer dans l’inconnu. Quoi qu’il en soit, le casting est quasiment entièrement américain, exceptions faites de l’Italienne Marla Landi et de l’Allemand Carl Jaffe qui, après son départ d’Allemagne du temps des nazis, travailla exclusivement en Grande-Bretagne. Le film fut d’ailleurs tourné en partie en Angleterre mais aussi dans une base aérienne près de New York et au Nouveau-Mexique. Quant au distributeur du film, ce n’est autre que la MGM. Malgré tout ce cousinage yankee, on peut donc dire que Le pionnier de l’espace, battant pavillon britannique, est réellement de la science-fiction : Helen Sharman, la première Anglaise partie dans l’espace, ne fut sélectionnée comme astronaute que trente ans après la sortie du film et n’a effectivement volé qu’en 1991.

 

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Dans ce récit qui se laisse suivre sans problème, c’est le monstre — car il y a forcément un monstre venu de l’espace — qui rattache le film au genre fauché américain. Vous savez, ces nanars où l’alien porte un costume dont la fermeture éclair est nettement visible. Ici, n’exagérons rien, sinon que le monstre en question marche à deux à l’heure en balançant les bras à droite et à gauche avec un air franchement pas effrayant. Mais là où les Anglais se distinguent de leurs homologues d’outre-Atlantique, c’est que la créature conserve un semblant d’humanité, attentive aux voix de ceux qu’elle connaît.

Pour un cinéaste, c’est évidemment la partie la plus intéressante à exploiter d’un scénario, cette humanité du monstre — ce que d’ailleurs l’Américain Jack Arnold avait compris, quatre ans plus tôt. Robert Day s’en saisit. À cette époque, il a déjà derrière lui deux films horrifiques joués par Boris Karloff qui ont obtenu un certain succès : Grip of the Strangler/The Haunted Strangler (1958, La sépulture maudite) et Corridors of Blood (1958). Et fait preuve d’une réelle clairvoyance, lui qui explique dans une interview : « C’est pourquoi les cinéastes signent leurs meilleures œuvres quand ils n’ont pas beaucoup d’argent. Ils doivent utiliser leur imagination à la place. » De l’imagination, et grâce certainement aussi à un budget beaucoup plus conséquent octroyé par la Hammer, il en fera preuve dans ce qui reste son chef-d’oeuvre : She (1965, La déesse de feu), énième adaptation de Rider Haggard où le rôle de la mythique Celle-à-qui-l’on-doit-obéir est tenu par la non moins mythique Ursula Andress, flanquée de Peter Cushing et Christopher Lee. En attendant de voir enfin édité ce must — on ne trouve pour l’instant dans le commerce que sa suite, The Vengeance of She (1968, La déesse des sables) de Cliff Owen avec Olinka Berova —, on se précipitera sur ce Pionnier de l’espace, ne serait-ce que pour voir comment Robert Day, avec quelques acteurs de bonne volonté, s’en sort avec les honneurs.

Jean-Charles Lemeunier

Le pionnier de l’espace

Titre original : First Man into Space

Année : 1959

Origine : Grande-Bretagne

Réalisateur : Robert Day

Scénario : John Croydon et Charles F. Vetter (sous les noms de John C. Cooper et Lance Z. Hargreaves), d’après une histoire de Wyott Ordung

Photographie : Geoffrey Faithfull

Musique : Buxton Orr

Montage : Peter Mayhew

Avec Marshall Thompson, Marla Landi, Bill Edwards, Robert Ayres, Bill Nagy, Carl Jaffe…

« Le pionnier de l’espace », sorti par Artus Films en DVD + livret « Science-fiction anglaise » par Alain Petit) le 6 septembre 2016.



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