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« Drôle d’endroit pour des rencontres »à Bron (69) : Un endroit pour s’aimer

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Dans le bureau du premier étage du cinéma Les Alizés, à Bron, dans la banlieue lyonnaise, on peut lire sur un tableau cette phrase, « Un endroit pour s’aimer », accompagnée d’un cœur transpercé. L’œuvre n’est pas signée mais tout le monde sait ici qu’elle est de la main du producteur Alain Depardieu, l’un des nombreux invités de la 26e édition du festival Drôle d’endroit pour des rencontres, qui vient de s’achever ce 29 janvier.

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Zinedine Soualem (Photo JCL)

 

Nadia Azouzi, la directrice, et toute son équipe se sont mis en quatre pour accueillir Anne-Dauphine Julliand pour Et les mistrals gagnants, Gilles Marchand et Jérémie Elkaïm pour Dans la forêt, Élise Girard, Lolita Chammah et Pascal Cervo pour Drôles d’oiseaux, Manuel Sanchez et Alain Depardieu pour La dorMeuse Duval, Dominique Cabrera pour Corniche Kennedy, Zinedine Soualem pour D’une pierre deux coups, Paul Vecchiali et à nouveau Pascal Cervo pour Le cancre et C’est l’amour, Morgan Simon et Nathan Willcocks pour Compte tes blessures et, enfin, Ludovic Bernard pour L’ascension. Et tous sont repartis ravis, d’accord avec la phrase inscrite.

 

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Commençons par Et les mistrals gagnants. Ce documentaire sur des enfants hospitalisés atteints de maladies graves a, dès le départ, tout pour faire peur. Or, la force du film d’Anne-Dauphine Julliand ne vient pas de la présence de la mort mais bien du désir de vie de ces petits bouts de chou, facétieux, avides du regard de la caméra, conscients de ce que le film montre et ne montre pas. Au cours du débat qui suivait la projection, la réalisatrice parlait de ce moment où l’un des enfants doit prendre un bain pour le soulager des douleurs que lui procure sa peau « fragile, dit-il, comme des ailes de papillon ». Anne-Dauphine voulait s’éloigner, jugeant le moment trop intime mais le petit a insisté pour que la caméra reste là et capte ce moment où l’enfant est seul face à sa maladie. Il n’y a rien de voyeur chez Anne-Dauphine. Elle-même a eu, elle l’a raconté, une petite fille décédée des suites d’une maladie incurable. Elle sait de quoi elle parle, connaît la souffrance des parents, le désarroi des équipes médicales qui font tout pour ces enfants.

 

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En véritable cinéaste, alors qu’elle débute cette carrière après avoir été journaliste et l’auteur de deux livres, Anne-Dauphine sait toujours où placer sa caméra, suit la course du petit Charles et de son copain Jason dans les couloirs de l’hôpital comme si l’on était dans un film d’action. Ou surprend chez Tugdual, alors qu’il est en train de s’occuper d’un jardin, les mains dans la terre, une phrase d’une maturité effrayante sur le bonheur de vivre. Du grand art !

 

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Nathan Willcocks et Morgan Simon (Photo JCL)

 

On applaudira tout autant Compte tes blessures, sur les rapports difficiles entre un père (Nathan Willcocks) et son fils (Kevin Azaïs). À ces deux-là, bouleversants, il faut rajouter Monia Choukri, formidable elle aussi dans cette histoire de déchirements et de non-dits. Après quelques courts-métrages, le jeune Morgan Simon (à peine 30 ans) signe un premier film réussi qui lui a déjà valu plusieurs prix à San Sebastian, Saint-Jean-de-Luz, Brunswick, en Pologne et à Angers. Nathan Willcocks, qui vient de tourner à Londres avec Woody Harrelson, expliquait qu’il avait eu « quatre ou cinq mois de préparation pour rendre justice à ce personnage complexe. J’ai travaillé dans une poissonnerie à Paris une soixantaine d’heures… Si le cinéma ne marche plus, j’ai un boulot si je veux. »

Les films de genre sont suffisamment rares en France pour que l’on salue Dans la forêt. Gilles Marchand et Dominik Moll, qui signent le scénario, nous avaient habitués avec Harry, un ami qui vous veut du bien à ce glissement entre le quotidien « normal » et l’irrationnel. Ici, un père divorcé (Jérémie Elkaïm) entraîne ses deux enfants, âgés de 8 et 13 ans (Timothé Vom Dorp et Théo Van de Voorde), dans une forêt suédoise. Le film reste constamment sur le fil entre fantastique et réalisme, entre le véridique et le fantasmé, l’objectif et le subjectif et parvient vraiment à inquiéter.

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Dominique Cabrera (Photo JCL)

Corniche Kennedy est un scénario qui, comme le cœur de son héroïne jouée par Lola Créton balance entre deux garçons, hésite entre deux styles : la chronique estivale d’une bande de jeunes Marseillais adorant se balancer dans la mer du haut de la corniche qui donne son titre au roman de Maylis de Kerangal et au film de Dominique Cabrera. Et l’aventure policière avec flics, gangsters et trafic de stup. La première est ensoleillée, la seconde beaucoup plus sombre. « La grâce, commentait la réalisatrice, peut naître de cette tension avec le concret et l’abstrait », le concret représentant pour elle les corps en maillot et l’abstrait le bleu environnant, couleur tout à la fois de la mer et du ciel. « Ces jeunes qui sautent, je les ai trouvés sur la corniche. Ce sont des personnages en échec dans la société et qui peuvent devenir des rois sur une petite bande de terre. Le film capte leur plaisir, leur fierté de le faire. »

 

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Manuel Sanchez (Photo JCL)

 

À des degrés divers, La dorMeuse Duval comme les deux films de Vecchiali sont complètement à part, hors production courante, véritables films d’auteur qui ne font pas de concessions. Deuxième réalisation de Manuel Sanchez après Les Arcandiers, il y a 26 ans, La dorMeuse a été tourné dans les Ardennes, dans le pays de Rimbaud où Manuel Sanchez est venu s’installer par amour de la poésie. Le cinéaste annonçait d’ailleurs que son prochain sujet, qu’il n’attendrait pas aussi longtemps pour tourner, serait sur la mère de Rimbaud, Vitalie. Outre le plaisir de voir ces films, bourrés de qualités, de quelques défauts aussi qui ne les rendent que plus attachants, il faut encore expliquer les rencontres avec ceux qui les font. Entendre Paul Vecchiali parler de Nicolas Silberg, son interprète de Corps à cœur, et de Danielle Darrieux, de l’avance sur recettes et de la télévision, s’amuser de ses critiques sur les façons de filmer de Scorsese et Tarantino, et surtout voir ses yeux briller dès qu’il est question du cinéma, celui d’hier, à qui il a consacré sa formidable Encinécoplédie aux éditions de l’Œil, et celui d’aujourd’hui car, dit-il, « il faut donner sa chance au cinéma, c’est pourquoi je vois plusieurs films par jour sur les chaînes câblées, sans distinction ». Vecchiali qui se passionne tout autant pour le tennis et avec qui nous avons vécu en direct la finale Federer-Nadal, criant à chaque bel échange ou à la vision d’une balle chevauchant la limite du court.

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Vecchiali et Federer, deux champions dans leurs catégories respectives, tandis que Dominique Cabrera discute avec Pascal Cervo (à droite) (Photo JCL)

 

 

Plus discret, Manuel Sanchez est un plaisant interlocuteur qui préfère davantage parler de poésie, entre autres Richard Brautigan, que de son propre travail. Quant à Alain Depardieu, producteur de La dorMeuse, qu’il évoque son frère ou ses tournages avec Roman Polanski, Claude Berri, Coluche, Abbas Kiarostami ou Manuel Sanchez, c’est un régal de l’écouter bougonner, balancer, critiquer un métier qu’il adore, adorer une profession qu’il critique et dont il refuse d’être le dupe.

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Alain Depardieu (Photo JCL)

Jean-Charles Lemeunier

Et les mistrals gagnants d’Anne-Dauphine Julliand, sortie le 1er février 2017
Dans la forêt de Gilles Marchand, sortie le 15 février 2017
Drôles d’oiseaux d’Élise Girard, sortie prévue en avril 2017
La dorMeuse Duval de Manuel Sanchez, sortie le 22 février 2017
Corniche Kennedy de Dominique Cabrera, sortie le 18 janvier 2017
D’une pierre deux coups de Fejria Deliba, sortie le 20 avril 2016
Le cancre et C’est l’amour de Paul Vecchiali, sorties respectives le 5 octobre 2016 et le 9 mars 2016 ; respectivement en DVD et Blu-ray le 7 février 2017 et le 4 octobre 2016
Compte tes blessures de Morgan Simon, sortie le 25 janvier 2017
L’ascension de Ludovic Bernard, sortie le 25 janvier 2017



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