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« Symphonie pour un massacre » de Jacques Deray : En mode majeur

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Cinq hommes qui préparent un coup et dont l’un, insoupçonné des autres, trahit pour s’accaparer la totalité du magot, voilà bien le genre de scénario que l’on a pris plaisir à voir tourner par Phil Karlson (Le quatrième homme), Stanley Kubrick (L’ultime razzia) ou Tarantino (Reservoir Dogs). Mettons soudain sur les gangsters les visages de Jean Rochefort, Charles Vanel, Claude Dauphin, Michel Auclair et José Giovanni et nous voilà pris par le charme d’un polar français des années soixante très réussi. Et de saluer pour le coup l’excellente idée de Pathé de sortir en combo Blu-ray/DVD le non moins excellent Symphonie pour un massacre (1963) de Jacques Deray.

 

 

Comme d’habitude, le scénario écrit par José Giovanni, Jacques Deray et Claude Sautet, inspiré d’un roman d’Alain Reynaud-Fourton, va à l’essentiel. Giovanni nous a habitués à de très bons scripts (Le trou pour Becker, Classe tous risques pour Sautet, Les grandes gueules et Les aventuriers pour Enrico, Le deuxième souffle pour Melville) et il s’amuse même à camper l’un des personnages. Je l’avais interviewé en 1999 pour le livre sur les scénaristes français (Le poing dans la vitre chez Actes Sud) et il m’avait expliqué que c’était à la demande du producteur qu’il avait accepté de jouer dans le film. Vanel, Rochefort, Auclair et Dauphin n’avaient pas vraiment des allures de gangsters et c’est pour cette raison qu’il fut appelé en renfort, lui qui avait passé plus de onze ans à l’ombre pour une condamnation pour triple assassinat — il fut condamné à mort et gracié. D’où cette ligne de dialogue qui sonne on ne peut plus juste dans sa bouche : « Faire de la prison, ça donne envie de se ventiler les poumons ! »

 

 

Musique jazz signée Michel Magne, noir et blanc très beau de Claude Renoir, interprétation hors pair, mise en scène au cordeau, tous les éléments sont réunis pour amener Symphonie pour un massacre vers la perfection. Ainsi, Deray fait-il courir les conversations d’une scène à l’autre, une idée qui sera utilisée par la suite par Richard Brooks dans De sang froid (1967). Une question est posée dans un décor ? Le protagoniste y répond à un autre moment, dans un autre lieu. Cette fluidité de la mise en scène montre combien prometteur était déjà Deray à ses débuts. Qualité qui le suivra avec La piscine (1969), Borsalino (1970), Un homme est mort (1972), Flic Story (1975), Le gang (1977), Un papillon sur l’épaule (1978) ou Trois hommes à abattre (1980). On regrettera d’autant plus quelques-uns de ses films suivants qui ne furent plus qu’au service des stars qu’il dirigeait (Doucement les basses, Borsalino & Co, Le marginal, Le solitaire, L’ours en peluche).

 

 

Parmi les solistes de cette Symphonie, le plus surprenant reste sans aucun doute Jean Rochefort, dans un rôle dramatique auquel il nous a guère habitués : celui d’un homme qui sent le piège se refermer sur lui. On aurait pu voir à sa place le Belmondo du Doulos (1962) de Melville. Dans le bonus, François Guérif dit tout le bien qu’on est en droit de penser du film tandis que Jean-Philippe Guérand, auteur de Jean Rochefort, prince sans rire, indique les signes qui deviendront caractéristiques de l’acteur : un sourire dans un moment pourtant grave ou un déguisement (perruque et moustache) qui lui donnera le visage qui sera le sien plus tard. Voilà une symphonie jouée en mode majeur, assurément !

Jean-Charles Lemeunier

Symphonie pour un massacre
Année : 1963
Origine : France
Réal. : Jacques Deray
Scén. : José Giovanni, Jacques Deray, Claude Sautet d’après Alain Reynaud-Fourton
Photo : Claude Renoir
Musique : Michel Magne
Montage : Paul Cayatte
Durée : 115 minutes
Avec Michel Auclair, Claude Dauphin, Charles Vanel, Jean Rochefort, José Giovanni, Michèle Mercier, Daniela Rocca, Billy Kearns…

Combo Blu-ray/DVD édité par Pathé le 11 avril 2018.

 


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