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« Bébert et l’omnibus » d’Yves Robert : Sacré petit bonhomme

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Si l’on jouait au jeu des 7 familles du cinéma, il est certain qu’Yves Robert appartiendrait à la même que Robert Dhéry et Pierre Tchernia. Tous trois ont signé de jolies comédies familiales brillant par leur gentillesse, leur absence de vulgarité et de subversion, un côté parfois foutraque, bref à regarder sans faire la moue.

C’est ce qui arrive avec Bébert et l’omnibus, qu’Yves Robert tourne en 1963, juste derrière La guerre des boutons, et que Malavida Films ressort en salles ce 19 février. La guerre des boutons, justement, reste très liée à Bébert. D’abord parce que le Bébert en question est joué par Martin Lartigue sous le pseudo de Petit Gibus et que Petit Gibus était déjà le nom du personnage qu’interprétait le même Martin Lartigue dans La guerre des boutons. Ajoutons que les deux films ont le même scénariste.

 

 

Le scénario de Bébert, justement, est signé François Boyer, également auteur du roman dont est tiré le film — et ajoutons que Boyer était déjà en 1952 le romancier dont fut adapté un autre grand succès : Jeux interdits de René Clément. Tout sauf linéaire, le récit est l’accumulation d’une série d’événements qui éloignent de plus en plus les héros de leur but initial, le départ en vacances. Une construction en dominos qui fait qu’une chose en entraînant une autre, les catastrophes se succèdent sans que cela ne semble jamais pouvoir finir.

 

 

Reprenons du début. Il était une fois une famille disons quelque peu désordonnée. À la veille des vacances, les parents (Jean Richard et Blanchette Brunoy) ont laissé s’éparpiller tous leurs enfants à travers différents rayons de la Samaritaine. Tiennot, l’aîné (Jacques Higelin), drague une vendeuse au rayon lingerie, la petite fille (Christine Janin) se balade d’un côté, deux autres garçons (Michel Isella et André Desplanches) de l’autre et, enfin, Bébert (Martin Lartigue) reste introuvable. Son prénom est d’ailleurs le premier mot prononcé dans le film. Bébert. Où est Bébert ? Que fait Bébert ? On comprendra vite qu’avec sa petite bouille d’amour, Bébert ne fait que des bêtises. Et que non seulement il n’a pas froid aux yeux mais qu’il n’y va pas par quatre chemins. Ainsi, Bébert sort du magasin et s’approche d’un flic. « Y’a un monsieur qui m’a collé une baffe, faut lui mettre un coup de revolver. »

 

 

C’est à partir de là que va démarrer une aventure mouvementée qui entraînera Bébert et le reste de la famille dans des aventures de plus en plus farfelues. La force de cette histoire étant que personne, dans le film, ne réagit comme il faudrait. La plupart des personnages, qu’ils soient membres de cette famille lunaire ou croisés par elle, se laissent aller à faire n’importe quoi. Et l’autre force du film va dans le choix des acteurs. On s’amuse déjà de voir un jeune Higelin jouer au zigoto avec toutes les jeunes filles qu’il voit. On va également découvrir au fur et à mesure Pierre Mondy, Jean Lefebvre, Michel Serrault, Yves Robert et quantité d’autres visages familiers du cinéma des années soixante. Y compris Tsilla Chelton, future Tatie Danielle. Et l’on reste du début à la fin épaté par l’aplomb du Petit Gibus.

 

 

Chaque nouvel arrivant dans le film se retrouve confronté à la détermination de Bébert et s’il faut, pour le contenter, faire tourner un manège à la main ou, sous des trombes d’eau, partir en pyjama ramasser des patates, et bien les adultes à tour de rôle se soumettent aux exigences du petit bonhomme. Mais le cocasse ne s’arrête pas aux seules scènes habitées par l’affreux et angélique jojo. Même sans son frère, Higelin en traverse des vertes et des pas mûres, ramassé entre autre par de gentils gendarmes qui ont les traits de Grosso et Modo, un an avant que les deux acteurs ne rejoignent la brigade des képis de Saint-Tropez.

 

 

Rappelons qu’en 1963, il y a déjà quelque temps que les rives du cinéma français ont été recouvertes par une Nouvelle Vague très urbaine, très parisienne. Yves Robert, lui, choisit de planter sa caméra dans des villages paumés de Seine-et-Marne aux noms qui sentent bon le terroir : Liverdy, Gretz, Verneuil-l’Étang et autre Ozouer-le-Voulgis. Il les aurait inventés que ça n’aurait pas mieux sonné. Et, il a beau se donner à fond dans cette comédie, le cinéaste n’oublie pas de soigner sa mise en scène, usant de gags visuels et sonores. Comme dans cette séquence où Bébert boit son lait. La musique démarre, la cuillère glisse le long du bol, la musique s’arrête. Le gamin replace la cuillère, remet le bol à sa bouche, la musique redémarre, la cuillère re-glisse, la musique s’arrête à nouveau. On pourrait également citer ces plans très travaillés avec un personnage au premier plan et un autre au fond et l’importance qu’ils prennent l’un et l’autre. Enfin, Robert ne recule pas devant le plaisir d’un gag surréaliste. Comme cette jolie histoire que raconte Michel Serrault à l’enfant pour qu’il s’endorme. Complètement barrée, l’histoire. Et ce gant que Jacques Higelin s’enfile sur la tête pour se protéger de la pluie, et qui lui donne l’allure d’un coq. Ou encore ce cauchemar au cours duquel Bébert voit tous les personnages de l’histoire se mettre à sauter. « J’ai cauchemardé de gendarmes », explique le gamin. Et l’on se dit que, même adressé à un public enfantin et familial, Bébert et l’omnibus cache des trésors.

Jean-Charles Lemeunier

« Bébert et l’omnibus »
Année : 1963
Origine : France
Réal. : Yves Robert
Scénario : François Boyer d’après son roman
Photo : André Bac
Musique : Philippe-Gérard
Montage : Robert Isnardon
Prod. : Danièle Delorme, Yves Robert
Durée : 100 minutes
Avec Martin Lartigue, Jacques Higelin, Blanchette Brunoy, Jean Richard, Pierre Mondy, Michel Serrault, Jean Lefebvre, Tsilla Chelton, Christian Marin, Albert Rémy, Pierre Tornade, Christian Alers, Yves Robert, Guy Grosso, Michel Modo…

Ressortie en salles par Malavida Films le 19 février 2020.


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