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« Le miel du diable » de Lucio Fulci : L’amour à mort

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Mettons immédiatement les choses au point. Malgré son réalisateur et un titre qui évoque le démon, Il miele del diavolo (1986, Le miel du diable), qu’Artus propose dans un beau combo Blu-ray/DVD, n’est pas un film d’horreur. Même si son auteur, Lucio Fulci, s’est rendu célèbre grâce à ses éventreurs, ses zombies et autres chats noirs et frayeurs en tous genres.

Ce Miel du diable pourrait n’être qu’un soap opera érotique. Une jeune femme cherche à venger la mort de son ami en s’attaquant au médecin responsable. Un tel sujet aurait pu provenir de la contemporaine et très moquée Clinique de la Forêt-Noire. Mais il n’en est rien.

Car ce serait mal connaître Fulci de croire qu’il s’est contenté de suivre à la lettre une telle trame, en déshabillant le plus possible son interprète principale. Chez lui, la passion n’est pas romantique, même si certaines séquences ont été tournées à Venise, le paradis du sentiment amoureux.

Cecilia (Blanca Marsillach) et Gaetano (Stefano Madia) ne peuvent se passer l’un de l’autre. Leur façon de s’aimer est tout sauf conventionnelle, souvent au détriment de la jeune femme qui se sent humiliée par son amant, au point que l’on ne peut s’empêcher de penser au Dernier tango et aux brutalités filmées par Bertolucci que Marlon Brando faisait subir à Maria Schneider.

Oui, Gaetano aime à sa façon et, dès le générique, il le prouve. Dans un studio où le jeune homme enregistre une mélodie signée par Claudio Natili et qui ressemble à s’y tromper au Mourir d’aimer de Charles Aznavour, il fait ce qu’il veut de sa compagne, son saxophone se révélant un substitut adequat. On n’ose écrire le mot perversion, ce serait moraliser la sexualité. Mais n’oublions pas que l’un des films de Fulci, Una sull’altra (1969), a été traduit par Perversion Story. Ici, Gaetano déborde d’idées incongrues, parfois dangereuses, pour assouvir ses besoins sexuels, idées auxquelles Cecilia semble obligée de se soumettre. Tout en ressentant, malgré tout, du plaisir. Fulci montre combien l’amour prend le dessus sur les manies, les dérèglements, les fantasmes, quel que soit le milieu considéré. C’est ainsi que la sexualité du médecin (Brett Halsey, qui s’appelle Domenici dans la v.o. italienne mais porte le nom de Simpson dans la version anglaise) n’est pas non plus très conforme à la norme.

Lucio Fulci ne signe pas un pamphlet contre la société. Il souligne seulement qu’il ne faut jamais se fier aux apparences. Qu’on soit artiste ou médecin, on peut être excité par un saxophone, une moto, de la paraffine ou du vernis à ongles.

Film italien oblige, la religion s’invite toujours dans les débats ou dans une image. Sur le mur de l’hôpital où a été admis Gaetano, Cecilia écrit : « Ne le laisse pas mourir, mon Dieu ». Ce qui, dès la scène suivante, s’avère totalement inutile.

On sait que, depuis Hitchcock, les cinéastes adorent apparaître dans leurs films. Lucio Fulci ne déroge pas à cette règle et figure dans la partie vénitienne, où il donne à Cecilia un talisman d’amour. Preuve de plus que le film est définitivement un film d’amour.

Car, progressivement, l’histoire devient évidente : elle parle d’amour et seulement de cela. D’un amour qui passe obligatoirement par le désespoir, la souffrance tant morale que physique, l’humiliation. D’un amour capable de détruire et reconstruire, de se dissimuler pour mieux apparaître au grand jour. D’un amour, enfin, qui transite aussi par la poésie grâce à un très beau texte qui, soudain, éclaire le discours de l’auteur.

Le miel du diable ? À consommer sans modération et tant pis si le film s’avère vénéneux, obsédant et inscrit en vous des images dont on ne se débarrassera pas aisément.

Jean-Charles Lemeunier

Le miel du diable
Année : 1986
Origine : Italie
Titre original : Il miele del diavolo
Réal. : Lucio Fulci
Scén. : Ludovica Marineo, Vincenzo Salviani, Jaime Jésus Balcazar, Lucio Fulci
Photo : Alessandro Ulloa
Musique : Claudio Natili
Montage : Vincenzo Tomassi
Durée : 79 min (DVD) ; 82 min (Blu-ray)
Avec Brett Halsey, Corinne Cléry, Blanca Marsillach, Stefano Madia…
Interdit aux moins de 16 ans.

Sortie en combo Blu-ray/DVD par Artus Films le 5 octobre 2021.


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