Sorti en fin d’année dernière et publié chez l’éditeur lyonnais Aardvark, Hong Kong Action replonge le lecteur dans un délicieux bain de Jouvence pour les uns et ouvre aux autres les portes d’un monde aux dimensions incroyables. Même pour le plus profane, les films d’action en provenance de ce bout de la lointaine Asie font tinter à ses oreilles quelques noms connus. À commencer par celui de Bruce Lee, qu’accompagnent ceux de Jackie Chan, de John Woo ou de Tsui Hark.

Le livre est dû au talent de Marvin Montes, spécialiste du genre, bien sûr, qui s’est adjoint les services de Stéphane Bouley (journaliste pour Gamekult et de nombreux podcasts), Gérald Duchaussoy et Romain Vandestichele (déjà auteurs d’un original Mario Bava, le magicien des couleurs chez Lobster), Martin Gamarra (podcast de Nanarland), Erwann Kerroc’h (auteur, monteur, réalisateur de nombreux courts-métrages et du podcast HKast) et Zoltan Zidi (connu pour ses critiques sur YouTube). Bref, un syndicat du film, une triade de passionnés aux codes précis et aux goûts prononcés, que les plus exaltés rêveront de rejoindre. À condition, peut-être, de ne pas être obligés de tremper leurs lèvres dans une mixture comprenant du sang de coq et leur propre sang.
On sent chez cette génération de cinéphiles — et c’est le cas aussi chez Quentin Tarantino — une fréquentation assidue des défunts vidéoclubs, source de découvertes de films en tous genres, de ceux que les grandes revues cinéphiles (au moins jusqu’à l’arrivée d’Olivier Assayas au sein de la rédaction des Cahiers) et les chaînes de TV ne fréquentaient guère. Cet apprentissage sur le dur forme les meilleurs connaisseurs et collectionneurs. Sans doute parce qu’ils ont bavé devant des jaquettes de cassettes, ont rêvé d’explorer à fond un genre dans la limite du stock de l’établissement et ont cherché par tous les moyens à se procurer ce qu’ils ne pouvaient avoir.

C’est là une différence notoire avec la génération d’avant les cassettes. À la fin des années soixante et pendant les années soixante-dix, sous le nom générique de « films de kung-fu », déferle dans les cinémas de quartier de la France entière une série de productions que les intellectuels n’hésitent pas à détourner. Si les images du premier film réalisé par Woody Allen, Lily la tigresse (1966), proviennent d’une série B japonaise pour laquelle le comique a écrit d’autres dialogues, en France, les situationnistes font de même avec des films de Hong Kong, dans un but plus politique que comique. C’est ainsi que sortent sur nos écrans La dialectique peut-elle casser des briques ? en 1973, détournement par René Viénet du film Crush de Tu Kuang-chi. Viénet signera encore, en 1977, un documentaire (Chinois, encore un effort pour être révolutionnaires) où des images de propagande maoïstes voisinent avec des extraits de films de kung-fu.

Aux sources du cinéma d’action hongkongais, le livre va d’abord approfondir le genre wu xian pian qui regroupe les films de sabre chinois. Les auteurs commentent successivement les grands titres de King Hu, Chang Cheh (l’auteur du célébrissime Un seul bras les tua tous) et consorts, jusqu’aux reprises plus récentes par Tsui Hark, Ang Lee ou Ronny Yu. Ils passent ensuite en revue le kung fu pian, rendu célèbre par Bruce Lee et la série Shaolin, et la kung fu comédie. Ils s’attardent ensuite sur la Nouvelle Vague et le polar hongkongais où des cinéastes tels que Tsui Hark, Ann Hui, Ronny Yu, Kirk Wong, John Woo, Ringo Lam, Johnnie To, Andrew Lau vont apporter leur touche au film d’action made in Hong Kong et s’exporter ensuite aux États-Unis.

Hong Kong Action apporte des précisions sur les différents genres, leurs auteurs, leurs acteurs mais relate aussi assez précisément les relations entre l’île et la Chine populaire voisine : avant, pendant et après la rétrocession de Hong Kong à la Chine par l’Angleterre, le 1er juillet 1997. Laquelle met un point final à un bail qui aura duré 99 ans.

Le livre parle aussi des multiples influences de ce cinéma asiatique sur les films du monde entier, des Américains jusqu’au Français Christophe Gans. « Cet ouvrage, concluent les auteurs, n’a pas de vocation encyclopédique (…) Simplement celle de porter un regard passionné sur un cinéma qui (…) s’est imposé comme l’un des plus influents au monde. » Mission accomplie.
Jean-Charles Lemeunier
« Hong Kong Action – Le sabre, le poing et le fusil » de Marvin Montes, éditions Aardvark, 18 euros.