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« Satoshi Kon, l’illusionniste » de Pascal-Alex Vincent : La machine à rêver

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Les films japonais ont toujours véhiculé en Occident l’image d’un peuple courtois n’aimant ni le conflit ni les discussions endiablées. D’où l’étonnement qui peut saisir le spectateur à la vision du passionnant documentaire de Pascal-Alex Vincent sur Satoshi Kon, que Carlotta vient de sortir, ce 18 janvier, en DVD, Blu-ray et dans une belle édition prestige limitée.

Satoshi Kon

Disparu en 2010, le mangaka et cinéaste d’animation japonais Satoshi Kon a visiblement laissé auprès de ses collaborateurs un sentiment mitigé. « Un génie, mais un type détestable » entend-on dans la bouche de ceux qui pouvaient être choqués de voir quelqu’un d’aussi direct. Visiblement, Kon disait les choses telles qu’il les pensait et ce manque d’hypocrisie n’était pas toujours le bienvenu au pays du Soleil levant.

Satoshi Kon, l’illusionniste retrace le parcours artistique de celui qui, dès 22 ans, s’inspirant de Katsuhiro Otomo, l’auteur d’Akira, publie ses premiers mangas. Le cinéma suit et Kon va signer une succession de chefs-d’œuvre : Perfect Blue en 1997, Millennium Actress en 2001, Tokyo Godfathers en 2003 et Paprika en 2006, auxquels s’ajoute la série télévisée Paranoia Agent en 2004. Peu de films, donc, et pourtant un sillon conséquent tracé dans le cinéma non seulement japonais mais mondial.

Darren Aronofsky

Des Français Marc Caro et Jérémy Clapin aux Américains Darren Aronofsky et Rodney Rothman, tous revendiquent l’apport incroyable de Kon sur le cinéma mondial et combien il les a eux-mêmes inspirés. Ainsi, Aronofsky reconnaît-il à Satoshi Kon la paternité d’une séquence de son Requiem for a Dream, celle dans laquelle Jennifer Connelly est dans sa baignoire. Pascal-Alex Vincent met en parallèle Perfect Blue et Requiem et il est évident, et Aronofsky le reconnaît, que les plans sont identiques. Quant à Rodney Rothman, l’un des réalisateurs de Spider Man : New Generation, il admet volontiers l’influence de Kon sur son travail.

Les différentes personnalités interviewées (les cinéastes Mamoru Hosoda et Mamoru Oshii, le producteur Masao Maruyama, les actrices Megumi Hayashibara et Junko Iwao, etc.) parlent de l’importance des films de Kon, de sa connaissance du cinéma japonais et de sa façon très originale d’appréhender un scénario. « Pour lui, rappelle son producteur, dans toute chose existait l’endroit et l’envers. Le recto seul ne l’intéressait pas, pas plus que le verso seul. » Il adorait également « la porosité entre le rêve et le réel ».

Perfect Blue

Dans une interview, Satoshi Kon reconnaissait : « Pour s’en sortir dans la vie, on a tous besoin d’une échappatoire, comme les fantasmes, les rêves ou encore la paranoïa. Sans quoi, la vie est trop dure ! »

Scénariste de Perfect Blue et Millennium Actress, Sadayuki Murai parle de l’influence sur les histoires de Kon du film Abattoir 5 et de sa structure narrative totalement désorganisée. D’après lui, Kon a repris cela en faisant coexister le passé, le présent et le futur dans Millennium Actress. Dans ce film, Kon s’inspire également des grands moments du cinéma national : son personnage principal est calqué sur l’actrice Setsuko Hara et plusieurs scènes renvoient aux grands films japonais, de Kurosawa à Ozu.

Paprika

Au moment de sa mort, Satoshi Kon préparait un nouveau film, Dreaming Machine, un sujet auquel il faisait déjà une allusion directe dans Paprika. Ainsi en est-il aussi d’un morceau musical de Paranoia Agent repris dans Paprika. Et, dans ce même Paprika, une façade de cinéma est décorée des affiches de trois films de Kon (Perfect Blue, Millennium Actress et Tokyo Godfathers). Comme si la filmo du cinéaste était une œuvre en mouvement, avec ses propres courants ascendants et descendants liant les films entre eux.

Le seul problème, avec Satoshi Kon, l’illusionniste, est cette envie subite qui vous saisit, à la fin de la projection : voir les films de Satoshi. Vous vous précipitez sur votre vidéothèque et, quand elle en est dépourvue, vous vous ruez sur un quelconque site marchand pour en acquérir. Ce qui ne sera jamais un achat inutile.

Jean-Charles Lemeunier

« Satoshi Kon, l’illusionniste » de Pascal-Alex Vincent. Sorti en DVD, Blu-ray et en édition prestige limitée par Carlotta Films le 18 janvier 2022.


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