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« La course à la mort de l’an 2000 » de Paul Bartel : Les fous du volant

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Après sa sortie en 1975, Death Race 2000 (La course à la mort de l’an 2000) de Paul Bartel est rapidement devenu un film culte. Il reparaît pour la première fois en Blu-ray dans la « Midnight Collection » de Carlotta, revendiquée comme étant « le meilleur de la VHS ».

Autant dire que les films appartenant à cette série — on pourrait également citer Mort ou vif de Gary Sherman, en vente également ce 23 août, ou Inseminoid de Norman J. Warren, sorti en juillet — ont un petit côté nanar du meilleur effet. Il faut ainsi voir le fringant Rutger Hauer dans Mort ou vif défier à lui tout seul de méchants terroristes contre lesquels la police de Los Angeles semble tout à fait démunie. Ou l’équipage d’un vaisseau spatial dans Inseminoid, prêt à être décimé par un ennemi extraterrestre, deux ans après Alien. Sauf qu’ici le monstre a visage humain, ce qui entraîne de vastes économies d’effets spéciaux.

Mary Woronov

La vision de tels films est, à chaque fois, un réel plaisir qui nous ramène à cet âge incertain où, délaissant les dessins animés, on courait se donner des frissons au cinéma ou devant une vidéo. Il convient toutefois de ranger La course à la mort de l’an 2000 sur une étagère un peu plus haute, en tout cas plus proche du cœur. Car, qui a déjà découvert le film dans des versions VHS plus ou moins approximatives sous le titre alternatif des Seigneurs de la route, retrouvera ici avec ferveur une copie restaurée qui rend enfin justice à l’œuvre et à son auteur.

Cette grande traversée sportive d’États-Unis futuristes est une version survitaminée de La grande course autour du monde (1965) de Blake Edwards et de la série animée qui s’en était inspirée (Les fous du volant, avec le très méchant Satanas et son chien stupide Diabolo). On a raconté que son producteur, le grand Roger Corman, voulait concurrencer le Rollerball de Norman Jewison et le sport futuriste très violent qu’il décrivait. Plus rapide que son ombre, Corman devança son adversaire et sortit Death Race 2000 le 30 avril 1975 à Los Angeles et le 6 juin suivant à New York, tandis que Rollerball attendait le 25 juin de la même année pour être à l’affiche. Beau symbole pour une Course à la mort dans laquelle il fallait toujours être le premier.

La voiture de Frankenstein

Corman, et c’est un compliment, était tout à la fois un copieur et une source d’inspiration et il y a fort à parier que les bolides futuristes dessinés pour Death Race ont donné des idées aux créateurs des engins de mort du Mad Max (1979) de George Miller.

Simone Griffeth

Nous sommes donc en l’an 2000, soit une projection de 25 ans par rapport à la date où le film est sorti, et l’Amérique semble être dans un état déplorable. Le président a élu domicile à Pékin et, pour occuper le peuple et lui mettre en tête autre chose que la révolte — du pain et des jeux, prônaient les Romains —, il a inventé une course qui traverse le pays. Le but, en partant de New York, est d’atteindre la nouvelle Los Angeles — puisque c’est désormais le nom que porte la mégapole — en marquant le plus de points. Lesquels consistent à renverser et tuer un maximum de piétons, surtout des vieillards et des enfants.

Sylvester Stallone

Autant dire, si l’on ne s’en rend pas bien compte en lisant ces lignes, que derrière la ringardise assumée de certains personnages — tel celui joué par Sylvester Stallone —, Bartel nous sert un discours cynique et politique sur la société du spectacle, le manque d’envergure des dirigeants US, les mensonges qu’ils sont capables de servir au peuple et, surtout, sur la violence inscrite dans les chromosomes de tout Américain. Petite cerise sur le cake : refusant d’annoncer que des rebelles remettent en cause l’existence de cette course, le président fait rejaillir la faute sur les Français, qui ont ruiné l’économie — et la téléphonie ! — yankees. Oh les méchants avaleurs de grenouilles !

Méconnu en France — ce qui est bien dommage —, le cinéaste Paul Bartel a toujours aimé sous-tendre un discours subtilement politique dans ses films, jusqu’à l’holocauste cannibale d’Eating Raoul, lui aussi chargé de symboles. Il suffit également de citer l’un de ses derniers films, Scenes from the Class Struggle in Beverly Hills (1989), pour montrer qu’il n’était pas indifférent à ce combat des classes qu’il inscrivait dans le titre.

David Carradine

Dans le rôle de Frankenstein, ce pilote toujours vainqueur au fil des ans et dont chacun des membres a peu ou prou été remplacé suite à un accident, Corman voulait Peter Fonda. Dans l’esprit du public, l’acteur restait le motard hippie d’Easy Rider. Mais Fonda déclina et c’est David Carradine qui donna au personnage sa fausse nonchalance quasi mystique — n’oublions pas qu’il venait d’être le héros de la série télévisée Kung Fu. Carradine convint si bien que, l’année suivante, Bartel lui confie le rôle principal de Cannonball !, une autre histoire de course automobile. Qu’il ne faut pas confondre avec L’équipée du Cannonball, film de 1981 avec Burt Reynolds et inspiré de la même course.

Harriet Medin

Aux côtés de David Carradine, signalons encore quelques jolies stars de la série Z (Mary Woronov, Roberta Collins, Simone Griffeth), Paul Bartel dans le rôle d’un médecin et Harriet Medin dans celui de la grand-mère rebelle. Une actrice dont l’étonnante et jubilatoire carrière lui fait côtoyer Roberto Rossellini (Païsa), Federico Fellini (La dolce vita), Riccardo Freda (L’effroyable secret du Dr Hichcock), Otto Preminger (Le cardinal), Mario Bava (Les trois visages de la peur, Le corps et le fouet, Six femmes pour l’assassin), John Landis (Schlock), Terence Hill (Petit papa baston), jusqu’à James Cameron (Terminator).

Ironie du sort : si l’année 2000 indique l’époque où se déroule la course, elle est aussi celle où meurt Paul Bartel.

Jean-Charles Lemeunier

La course à la mort de l’an 2000
Année : 1975
Origine : États-Unis
Titre original : Death Race 2000
Réal. : Paul Bartel
Scén. : Robert Thom, Charles B. Griffith, d’après Ib Melchior
Photo : Tak Fujimoto
Musique : Paul Chihara
Montage : Tina Hirsch
Prod. : Roger Corman
Durée : 80 min
Avec David Carradine, Sylvester Stallone, Simone Griffeth, Mary Woronov, Roberta Collins, Paul Bartel, Harriet Medin…

Sortie en Blu-ray dans la « Midnight Collection » chez Carlotta Films le 23 août 2022.


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