
L’amateur de cinéma a souvent des envies d’égyptologie. Et pas seulement parce que pas mal de films — grands classiques, séries B et nanars — mettent en scène des momies la plupart du temps mal embouchées.
Prenons ce El secreto de la momia egipcia, un film de 1973 ayant un quadruple titre français : Le sang des autres ou La volupté de l’horreur ou encore Les chemins de la violence et enfin Perversions sexuelles pour la version la plus corsée. Le Chat qui fume réunit tout ce petit monde dans un coffret DVD/Blu-ray qu’il livre à la curiosité des pilleurs de sarcophages que nous sommes.

Le félin clopeur insiste, et c’est de bonne guerre, sur la rareté de ce film « puisant à la fois dans le cinéma gothique anglais et italien » (totalement vrai), et sur la version intégrale entièrement restaurée. Ajoutons que Le Chat prend soin de nous livrer la version dite déshabillée de l’œuvre et de nous proposer les séquences plus habillées destinées aux pays rigides en matière de censure, puisque le film a été tourné en trois versions.

Tous ces éléments attirent, c’est une évidence, notre appétit. Et réveillent l’archéologue qui sommeille en nous. Qui est ce Ken Ruder qui signe le film ? L’incontournable Imdb attribue ce pseudo à un certain Alejandro Marti Gelabert, également désigné comme Alejandro Marti, qui n’aurait dirigé que deux films : Elisabeth en 1968 et ces aventures de la momie égyptienne cinq ans plus tard.

Chez nous, l’homme est inéluctablement passé sous les radars sagaces de la critique. Pourtant, on décèle chez lui un réel talent au point de se demander si les intérieurs et les extérieurs du film n’auraient pas été filmés par deux individus différents. Autant tout ce qui se déroule à l’intérieur du château — essentiellement les déchaînements de la momie contre de jeunes femmes — est mis en scène assez platement, autant tout ce qui relève des extérieurs est très joliment filmé, avec ces reflets dans l’eau et ces paysages maritimes qui se distinguent des habituels récits gothiques. De même, le cinéaste, qui qu’il soit, se permet des coquetteries intrigantes, telles ces ouvertures d’un plan ou fermetures à l’iris, qui nous ramènent à la grande époque du cinéma classique.

Marti — disons qu’il soit l’unique auteur de ce Sang des autres — dispose d’effets spéciaux plutôt crédibles, ce qui est rarement le cas pour des films de genre ne bénéficiant pas d’une riche production. Ainsi, lorsqu’il s’agit de découper une jambe pour y planter une électrode, le trucage ne peut qu’emporter l’adhésion. Bon, il y a encore une main qui se balade toute seule dans le château et qui n’est pas ce qu’il y a de plus réussi.

Coproduction franco-espagnole, Le sang des autres a été tourné, selon son générique, au château de Boucard, dans le Cher. Ce très bel édifice d’aspect médiéval est une des originalités de plus de cette périlleuse équation : une momie égyptienne + du gothique anglais + du médiéval français + des paysages marins + de l’érotisme et du sadisme (les séquences de torture), tout cela aboutit à un film étrange et disparate qui ne peut qu’interpeler les Champollion cinéphiles.
Jean-Charles Lemeunier
Le sang des autres
Année : 1973
Titre original : El secreto de la momia egipcia
Titres alternatifs : La volupté de l’horreur ; Les chemins de la violence ; Perversions sexuelles
Origine : Espagne, France
Réal. : Ken Ruder (Alejandro Marti)
Scén. : Vincent Didier, Julio Salvador
Photo : Raymond Heil
Musique : Max Gazzola
Montage : Angela Grau
Durée :
Avec George Rigaud, Michael Flynn, Catherine Franck, Frank Braña, Martin Trévières, Teresa Gimpera, Jenny Clève…
Sortie en DVD/Blu-ray en version intégrale entièrement restaurée par Le Chat qui fume en juillet 2022.