
Bien sûr, si l’on mentionne le nom de Jack Arnold, plusieurs titres viennent à l’esprit. Son Étrange Créature du lac noir qui ne laissait pas insensible Marilyn dans Sept ans de réflexion. Son effrayante araignée gigantesque de Tarantula, dont venait à bout un tout jeune Clint Eastwood qui, dans ce film, était le quasi figurant pilotant un bombardier. Ou le fabuleux et philosophique Homme qui rétrécit qui abordait les questions de l’infiniment grand et infiniment petit. On pourrait encore évoquer Le Météore de la nuit et ce peuple extraterrestre non agressif qui se terrait dans une mine.

Autant dire que les amateurs n’ignoraient pas la maîtrise d’Arnold dans le domaine de la science-fiction et, tout en sachant qu’il dirigea aussi des westerns et des comédies — y compris la très sexy Games Girls Play —, c’est une vraie curiosité de découvrir Outside the Law (1956, Faux-monnayeurs), un polar dans la grande tradition des années cinquante et de leur style quasi documentaire : un beau noir et blanc, une ville, des gangsters et des flics, des explosions de violence et une question de rédemption puisque le héros est un ancien délinquant travaillant pour la police. N’oublions pas que nous sommes à une époque où, en Amérique, plus que jamais, il est impératif de choisir son camp. On est pour ou contre le gouvernement et si on aide ce dernier, peu importe ce qu’on a été, on pourra être pardonné.

Arnold nous livre un film bien ficelé et totalement ancré dans son époque pour une autre question : celle des relations père-fils. Faux-monnayeurs est contemporain d’À l’est d’Eden et de La Fureur de vivre et l’on sent combien l’après-guerre va cristalliser un conflit des générations qui s’étendra jusqu’aux années soixante-dix et la crise du Vietnam. Le fils entre ici fortement en conflit avec le père, même si le scénario de Danny Arnold — qui n’a aucun lien de parenté avec le réalisateur — et Peter R. Brooke prêche pour la réconciliation.
Côté interprétation, on pourra s’étonner du choix de Ray Danton dans le rôle du délinquant qui va aider son père flic (Onslow Stevens). Malgré son nom, Danton manque d’audace et joue plutôt ici la prudence. Habitué aux rôles de mauvais garçons — son plus connu étant le personnage du gangster Legs Diamond qu’il incarne pour Boetticher en 1960 —, il est ici du bon côté de la barrière alors qu’au contraire Grant Williams, le héros de L’Homme qui rétrécit, joue un malfrat.

Faux-monnayeurs comporte plusieurs séquences étonnantes où la tension éclate soudain, tel ce passage à tabac dans une pièce sombre ou ces éclairs de générosité (de l’argent à des réfugiés qui fuient l’Europe plongée dans la guerre) qui se retournent contre ceux qui en ont bénéficié : l’argent était faux et il va falloir le rendre aux autorités.

Signalons encore les suppléments proposés par Elephant Films dans ce combo qui trouve sa place dans la collection Master Class. On y retrouve le fidèle Jean-Pierre Donnet, qui clame son amour pour Jack Arnold — on ne peut être que d’accord avec lui. Et Samir Ardjoum qui nous offre une passionnante lecture du film, mettant en avant combien Arnold peut être considéré comme un auteur véritable. Cela devient une évidence : le réalisateur de L’Homme qui rétrécit fut vraiment un homme qui réfléchit.
Jean-Charles Lemeunier
Faux-monnayeurs
Année : 1956
Titre original : Outside the Law
Origine : États-Unis
Réal. : Jack Arnold
Scén. : Danny Arnold, Peter R. Brooke
Photo : Irving Glassberg
Musique : Milton Rosen
Montage : Irving Birnbaum
Prod. : Universal
Durée : 81 min
Avec Ray Danton, Leigh Snowden, Grant Williams, Onslow Stevens, Raymond Bailey, Judson Pratt, Jack Kruschen…
Sortie en combo DVD + Blu-ray par Elephant Films le 11 juillet 2023.