Présenté en ouverture du dernier festival de Cannes, le nouveau film de Quentin Dupieux montre, s’il en était encore besoin, l’originalité de son auteur et l’envie de questionner une fois de plus, après Yannick, la représentation artistique.
Que sont les acteurs et quel impact peut encore avoir un film aujourd’hui, dans la période de crise que nous traversons ? N’est-ce pas comme cet orchestre qui jouait tandis que coulait le Titanic ? Ces interrogations, Léa Seydoux, Vincent Lindon, Louis Garrel, Raphaël Quenard et Manuel Guillot les partagent avec nous, tantôt suivis par une caméra tandis qu’ils cheminent dans la campagne, tantôt à table dans un restaurant. Les balades bercées de conversations abruptes sont d’ailleurs le fil conducteur de ce Deuxième Acte, au point d’en constituer la bande annonce.

N’oublions pas que l’on assiste ici au tournage d’un film écrit, produit et mis en scène par une intelligence artificielle. Une fois de plus, Dupieux ne cantonne pas son propos et ses interprètes dans un seul registre. Le ton est tout à la fois à la comédie et au constat amer tandis que la tragédie peut soudain surgir.

Le plaisir (cruel) vient bien sûr de l’autodérision jouée par chaque acteur : Lindon à qui Léa Seydoux reproche tout à la fois un pseudo discours de gauche et ses tics et qui n’a qu’une obsession, celle de conquérir le cinéma hollywoodien ; Léa dont ses proches — scène hilarante de la mère chirurgienne en pleine opération — critiquent les pleurs incessants et l’absence de subtilité de jeu ; Louis Garrel dont on se moque de la séduction autant auprès des femmes que des hommes ; Raphaël Quenard qui cite la série Arnold & Willy en confondant les personnages et sur la lourdeur duquel on appuie ; Manuel Guillot, enfin, acteur inconnu qui, s’il semble gagner la confiance de ses célèbres partenaires, ne va jamais avoir accès à leur amitié.

À travers cette histoire de tournage d’un film au cours duquel une jeune femme (Léa Seydoux) doit présenter à son père (Vincent Lindon) son amoureux (Louis Garrel), qui a lui-même demandé à son ami (Raphaël Quenard) de l’accompagner, pendant qu’un serveur maladroit (Manuel Guillot) tente de faire son service, l’IA cinéaste a également en tête de capter sur le vif les rapports entre les différents acteurs et leurs manières d’appréhender leurs rôles respectifs. Si bien qu’on a du mal à différencier le personnage, l’acteur qui le joue et son interprète véridique.

Ce qu’il y a de bien avec Quentin Dupieux, c’est qu’il peut tout se permettre et qu’on le suit à chaque fois, d’un pneu psychopathe et serial killer (Rubber) à un déplacement dans le temps de quelques jours (Incroyable mais vrai). Ici, il peut conclure son sujet en filmant longuement les rails de son travelling, le temps que s’achève la musique, sans qu’on ne puisse lui reprocher quoi que ce soit.
Jean-Charles Lemeunier
Le Deuxième Acte
Année : 2024
Origine : France
Réal, scén, photo et montage : Quentin Dupieux
Durée : 80 min
Avec Léa Seydoux, Vincent Lindon, Louis Garrel, Raphaël Quenard, Manuel Guillot
Sortie au cinéma par Diaphana le 14 mai 2024.