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« Les révoltés d’Alvarado » de Fred Zinnemann : Pêcheurs devant l’éternel… patron

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Programmé au festival Lumière de Lyon dans le cadre d’une rétrospective Fred Zinnemann, Redes (1936, Les Révoltés d’Alvarado) fait également partie du beau coffret DVD mis en vente par Carlotta Films, consacré à la World Cinema Foundation et qui comprend quatre films présentés dans de nouveaux masters restaurés. Outre Redes, on y trouve Le Voyage de la hyène de Djibril Diop Mambety (Sénégal), Transes d’Ahmed El Maanouni (Maroc) et La Flûte de roseau d’Ermek Shinarbaev (Kazakhstan).

Les Révoltés d’Alvarado, dont le titre original espagnol signifie « Filets », est né d’une commande du gouvernement mexicain. Plus que la réalisation, due aux quasi débutants Fred Zinnemann — il a été assistant-réalisateur sur Les Hommes le dimanche puis auteur de quelques courts-métrages — et Emilio Gomez Muriel (qui signe là son premier film), on retient surtout les extraordinaires images de Paul Strand. Le grand photographe, qui a débuté sa carrière dès 1915, était très attiré par le Mexique et rêvait de signer un film à l’image de ¡ Que viva Mexico ! que venait de tourner Eisenstein, en 1932. Zinnemann, de son côté, préférait s’inspirer de l’œuvre du documentariste Robert J. Flaherty.

Dans le supplément du DVD, l’universitaire américain James Knipper raconte les tensions qui existèrent entre Strand et Zinnemann à propos du rythme du film, le second reprochant au premier de ne pas avoir « l’esprit cinéma ». Il est vrai que le film n’aurait pu être constitué que de plans fixes, tant Les Révoltés rassemble des portraits, des paysages, des scènes qui pourraient être des photos. Magnifiques, les photos !

Dans le petit village d’Alvarado, près de Vera Cruz (sur la côte Atlantique du Mexique), les gens vivent chichement du produit de leur pêche. Les poissons qu’ils attrapent sont payés une misère par Don Anselmo, le riche propriétaire du coin qui les revend à meilleur prix. Le scénario est forcément manichéen. Il montre comment, face au méchant patron, des pêcheurs, parfois opposés, peuvent se mettre d’accord sur des questions syndicales.

« Après avoir travaillé 25 ans en mer pour quelques centavos, s’exclame un vieux pêcheur, on a le cerveau humide et le cœur desséché. » Ce genre de dialogue sonne toujours juste de nos jours et les séquences poignantes, telle celle de l’enterrement, restent très fortes près de 90 ans après.

Non seulement la sortie des Révoltés d’Alvarado a été une date marquante pour le cinéma mexicain parlant mais son style annonce déjà ce que sera, dix ans plus tard en Italie, le néoréalisme. Ajoutons que ce film est précurseur du cinéma social qui se développera plus tard. On peut penser à Native Land, bien sûr (tourné en 1938 et sorti aux États-Unis en 1941) de Leo Hurwitz et Paul Strand, mais aussi au Sel de la terre (1954) de Herbert J. Biberman.

Signalons enfin que les dialogues de la version américaine, intitulée The Wave, sont de John Dos Passos et Leo Hurwitz. Le premier, grand écrivain, était entre autres l’auteur de Manhattan Transfer (1925) et de La Grosse Galette (1936). Le second, déjà cité pour Native Land, figura plus tard sur la liste noire, à l’époque du maccarthysme.

Jean-Charles Lemeunier

Les Révoltés d’Alvarado
Année : 1936
Titre original : Redes
Origine : Mexique
Réal. : Fred Zinnemann, Emilio Gomez Muriel
Scén. : Emilio Gomez Muriel, Henwar Rodakiewicz, Paul Strand, Agustin Velazquez Chavez, Fred Zinnemann
Photo : Paul Strand
Musique : Silvestre Revueltas
Montage : Emilio Gomez Muriel, Gunther von Fritsch
Durée : 58 min
Avec Silvio Hernandez, David Valle Gonzalez, Rafael Hinojosa, Antonio Lara, Miguel Figueroa…

Sortie dans le coffret World Cinema Foundation édité par Carlotta Films le 18 avril 2012.


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