Ce 14 octobre, le festival Lumière, à Lyon, accueillait Xavier Dolan pour une présentation de Mommy, dix ans après sa sortie. Il était accompagné d’Anne Dorval, qui joue dans le film le rôle de Die, la mère, et d’Antoine Olivier Pilon, Steve le fils.
« Tabarnak ! » a-t-on envie de s’écrier, à la manière de Steve — et que nos amis de la Belle Province ne s’offusquent pas si le mot est vulgaire — mais le film n’a pas pris une ride. Et le souvenir de sa projection cannoise et de l’émotion qui s’était emparée du public a trouvé un écho dans cette salle de l’auditorium de Lyon où était projeté Mommy. Quand la lumière est revenue, les plus de 2000 personnes présentes ont ovationné l’équipe pendant de très longues minutes.
Pour la première fois de sa carrière, Mommy était montré dans une copie 35 mm. Xavier Dolan expliqua qu’il s’inquiétait de « l’obsolescence des médiums avec lesquels on travaille ». « Au moins, l’argentique ne bouge pas. Le film était menacé par l’arrivée des plateformes et l’évolution des techniques. Adolescent, je regardais des 35 mm et passer le film dans ce format est une manière de le protéger. »
Comme la projection du film était accompagnée par la sortie d’un livre de photos de Shayne Laverdière sur le tournage (Une amitié sur film, livre bilingue anglais-français coédité par MK2 Publishing et Sons of Manual), Xavier Dolan et ses acteurs en profitèrent pour évoquer l’ambiance qui régnait. Anne Dorval avait déjà participé à trois films de Dolan (J’ai tué ma mère, Les Amours imaginaires et Laurence Anyways) , Suzanne Clément — qui joue la voisine — à deux (J’ai tué ma mère et Laurence Anyways) et Antoine Olivier Pilon avait eu un petit rôle sur Laurence Anyways.
« La loyauté dans la vie est importante, remarquait le cinéaste. Et dans les films aussi. Il faut dire que j’ai vécu ma vie sur des plateaux de tournage ! » Quant à Anne Dorval, elle reconnaissait : « Xavier est très exigeant avec tout le monde. Quand je l’ai connu, j’avais une passion pour l’œuvre de Racine et je lui en parlais tout le temps. Il aurait pu jouer Néron dans Britannicus. Xavier a appris par cœur une scène entre Néron et Junie pour me faire plaisir. Pour le travail, il sait reconnaître ses erreurs. Il est très stimulant. »
Sur Mommy, Antoine Olivier Pilon remercia Xavier Dolan de la chance qu’il lui avait laissée : « J’avais 15 ans et je pouvais interpréter un personnage qui était à l’opposé de ce que j’avais déjà joué. » Grâce à lui et à Anne Dorval, on en apprenait un peu plus sur la façon de travailler de leur ami-réalisateur. « Au lieu de dire « Coupez ! » à la fin d’une scène, s’amusait Antoine Olivier, il crie « Ouuuuui ! ». »
Après toutes ces gentillesses distribuées par ses acteurs, Xavier Dolan leur rendit la pareille : « J’aime être entouré de gens que j’admire, pas de ceux qui nous flattent, nous flagornent mais plutôt de gens qui disent la vérité. De vrais amis ! De vrais artistes ! »
La discussion était animée par Didier Allouch qui demanda à l’équipe s’il était possible de deviner un tel succès pendant le tournage. « On ne peut jamais imaginer le destin d’un film, répondit Xavier Dolan. Si c’était le cas, il y en a certains que j’aurais refaits. L’après-Mommy a d’ailleurs été compliqué. J’avais peur de ne pas plaire, d’être trop différent ou trop semblable. À la fin, il faut que ce que j’écris me plaise à moi et aux quatre-cinq personnes qui m’importent dans la vie. »
Jean-Charles Lemeunier