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Channel: revue versus – Le blog de la revue de cinéma Versus
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Festival Lumière : ¡ Viva Benicio !

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À Lyon, le festival Lumière — qui se déroule jusqu’au 20 octobre — accueille chaque année des master classes auxquelles se presse le public. D’autant plus qu’elles sont désormais accueillies dans une grande salle du Pathé Bellecour.

Ce 14 octobre, Benicio Del Toro s’est prêté au jeu, répondant aux questions du journaliste Didier Allouch puis à celles de la salle. En voici quelques extraits.

Photo JCL

Les débuts, la Méthode
« Les acteurs que j’apprécie, De Niro, Pacino, Jack Nicholson, sont tous issus de la Méthode de Lee Strasberg. Pourtant, au casting, ça ne marchait pas pour moi. J’en ai discuté avec Al Pacino, qui a étudié avec Strasberg. Je lui ai dit que je ne mentionnais pas dans mon CV que j’avais suivi des cours avec Stella Adler parce que cela posait des problèmes. Lui-même en avait eu. Pourtant, les acteurs qu’on prenait en exemples, James Dean ou Marlon Brando, étaient passés par là.
« Enfant, je regardais beaucoup de films. Le cinéma était une autre planète, celle que j’attendais. J’ai étudié à l’UCSD, l’université de San Diego, où j’étais « any good in anything ». Je me suis dirigé vers la classe de théâtre et le prof m’a dit que j’avais déjà un peu vécu et qu’un acteur a besoin de connaître la vie pour réussir une interprétation. Moi, j’étais très bien dans les rôles de morts !
« Ensuite, j’ai pris des cours avec Stella Adler. Quelqu’un a peut-être regardé par-dessus mon épaule pour m’envoyer là-bas. Mais avant cela, quand je suis arrivé à New York, je voulais être acteur et j’aurais même accepté d’être mime au Sea World, au milieu des poissons. Mais, à New York, ça ne marchait pas bien pour moi et, comme mon frère était en Californie, je me suis arrêté trois jours à Los Angeles. On m’avait donné les coordonnées d’un agent que j’ai été voir. Il m’a parlé d’une audition pour obtenir une bourse d’études chez Stella Adler. Je me suis présenté et j’ai été pris. Et je suis devenu acteur. Cela fait trente ans que j’exerce ce métier et je continue à apprendre. Je suis toujours un étudiant. »

Les premiers rôles
« Je ne réalisais pas, à l’époque où j’ai démarré, qu’était en train de se créer un nouveau mouvement de cinéma indépendant, avec des cinéastes tels que Spike Lee, Steven Soderbergh, Quentin Tarantino, Robert Rodriguez… J’étais chanceux d’arriver à ce moment-là ! Aujourd’hui, c’est différent et les jeunes acteurs sont obligés pour travailler de passer par les franchises, ces films de science-fiction des grands studios.
« Un de mes premiers rôles a été dans Licence to Kill (Permis de tuer), un James Bond. Avec l’argent obtenu, je me suis acheté une belle valise, car je devais tourner aux Bahamas. J’étais un fan des films de James Bond. Un des premiers films que j’ai vus est Live and Let Die (Vivre et laisser mourir).
« Bon, après le James Bond, je n’ai pas travaillé pendant un an. »

Photo JCL

Usual Suspects
« J’ai reçu le script de Christopher McQuarrie. Je n’avais que quelques lignes et ce que je disais n’était pas très important. Il y avait une scène dans laquelle je n’avais qu’une phrase à dire et je devais le faire après un solide monologue de Peter Posthethwaite. En deux prises, c’était bon. La caméra se tourne vers moi, pour ma ligne de texte. J’essaie de la dire normalement et ça ne marche pas. Alors je demande à Bryan Singer, le réalisateur qui était très cool, si je pouvais essayer quelque chose et je dis mon texte en bafouillant. Stephen Baldwin, un de mes partenaires, s’exclame qu’il n’a rien compris. Singer a demandé à Baldwin de rejouer son étonnement et a gardé tout cela. Usual Suspects est devenu un vrai film culte et a marqué le cinéma indépendant américain. C’était la première fois qu’on entendait mentir une voix-off. »

Las Vegas Parano
« J’étais content de travailler sur ce film pour l’écrivain qui l’a inspiré, Hunter S. Thompson. Son livre est d’un autre niveau ! J’ai eu la chance de le rencontrer pour la préparation. Terry Gilliam, le réalisateur, est un visionnaire. Mais le film a été un flop à sa sortie. Il n’a trouvé son audience que plus tard.
« C’est vrai que, pour ce film, j’ai dû grossir mais gagner du poids ou en perdre n’est pas une performance d’acteur. Jouer, c’est autre chose. En 8 ou 9 semaines, j’ai pris du poids tout seul, sans coach ni nutritionniste. Je l’ai fait comme un homme des cavernes, à raison de 14 ou 16 doughnuts au déjeuner, augmenté de poulet frit. On voulait rendre heureux Hunter Thompson. J’ai donc pris 20 kg en deux mois, soit 1,5 à 2 kg par jour. Aujourd’hui, si je regarde un beignet, je prends un kilo.
« Le film a été montré à Cannes. Ce fut une soirée magique. Mais, aux États-Unis, on s’est pris des coups — NDA : il précise « a kick in our face ». Thompson nous a rassurés : son livre avait été un échec à sa sortie. Il est devenu culte ensuite. »

Traffic et l’Oscar
« Quand j’ai travaillé avec Steven Soderbergh, pour la première fois j’ai ressenti un véritable partenariat avec le réalisateur. Je vous donne un exemple : il y a une séquence où mon personnage, un flic mexicain, discute avec deux policiers de la DEA, l’agence anti-stup américaine, dans une chambre d’hôtel. J’ai dit à Steven que je trouvais étrange que le rendez-vous ait lieu dans un endroit où tout pouvait être enregistré. « Qu’est-ce que tu ferais ? », m’a-t-il demandé. « J’irais sur une place publique ou dans une piscine, où les gens seraient en maillots — et donc sans appareil enregistreur. » Et Steven a tourné cette scène. Je pense que le moins est le plus (« less is more ») et qu’il ne faut pas trop montrer.
« Pourquoi j’ai beaucoup joué dans ces films de narco-trafic ? Sans doute parce que je suis né à une époque où la guerre des drogues commençait à être très présente. James Cagney, Paul Muni ou Edward G. Robinson, qui ont joué des gangsters, vivaient à une époque où ceux-là étaient dans tous les journaux. Comme je suis latino, je peux jouer des deux côtés de la barrière. »

Photo JCL

Jimmy P.
« C’est une histoire importante et Arnaud Desplechin a été courageux de l’écrire. Elle racontait la psyché des Amérindiens. Il y avait dedans Mathieu Amalric, que j’ai beaucoup apprécié et que j’ai retrouvé dans le prochain Wes Anderson, qui sort bientôt. »

Che
« Ce projet a connu une longue période de recherches, avec beaucoup de lectures. J’ai eu la chance de rencontrer en chair et en os plusieurs personnes à Cuba et en Bolivie. Quand on vous confie un tel personnage, vous devez le comprendre. Pas le jouer. Sans être d’accord avec tout, je voulais comprendre d’où il venait. »

Les plateformes et le streaming
« Il faut laisser venir. Tous ces changements laissent davantage d’opportunités. Mais, pour moi, le meilleur endroit pour voir un film, c’est ici, dans une salle de cinéma. Et puis, ces séries sont toujours longues et cela est difficile de rester concentré aussi longtemps. Je ne suis pas contre et j’ai moi-même tourné une mini-série, Escape at Dannemora, et un film pour Netflix, Reptile. Mais conservons les projections en salles et faisons en sorte que ce festival existe toujours ! »

Jean-Charles Lemeunier


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