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« La colline a des yeux » de Wes Craven : Holocauste cannibale

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Je vous voir venir, vous les petits malins qui pensez que des films d’horreur tournés il y a quelques décennies ne valent pas tripette, d’autant plus qu’ils ont été refaits il y a peu. J’avoue que je me demandais moi-même, en voyant annoncées les sorties en salles, DVD et Blu-ray par Carlotta Films et ESC Distribution, de La colline a des yeux (1977) et de sa suite, La colline a des yeux 2 (1985), quels sentiments pouvaient encore susciter aujourd’hui les films de Wes Craven ? Car c’est bien des œuvres de Wes Craven dont il était question, et pas de leurs remakes, disons honorable pour celui d’Alexandre Aja, estampillés 2006 (Aja), 2007 (Martin Weisz) et… 1995, puisque The Hills Have Eyes 3 de Joe Gayton date de cette époque-là et arrive après les deux premiers opus réalisés par Craven.

Donc, résumons-nous, The Hills Have Eyes et The Hills Have Eyes 2, tous deux de Wes Craven, ressortent. Sont-ils poussiéreux ou foutent-ils encore le tracsir, pour parler comme à l’époque de leur première vision ? J’avoue avoir découvert le premier Colline a des yeux lors d’une nuit horrifique dans les années quatre-vingt. Le film de Craven arrivait en troisième position et vous avait secoué l’auditoire et je me souviens encore de ce motard sortant hagard de la salle vers 4 heures du matin, le casque plein d’une digestion mal assumée, l’air complètement épuisé. Et les autres spectateurs, qui n’avaient pas tous bu ni fumé la même chose que le précédent, étaient tout aussi pâlichons. Génération de petites natures, me direz-vous ! Certes, mais qui savaient apprécier simplement. Des images et des sons de La colline a des yeux trottent encore dans mon esprit, le look effrayant de Michael Berryman, ces voix qui résonnaient dans le désert, ce bébé que des cannibales attardés voulaient boulotter… Bref, le film à l’époque avait fait son effet.

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Michael Berryman ! Ce mec vaut à lui tout seul un paragraphe de cette chronique. Quand il est apparu en cours de film, le crâne rasé, sans sourcils ni cils, la mâchoire proéminente et les yeux hallucinés, respirant quelque chose de malsain, c’est peu dire que la salle entière, à l’époque, a frémi. D’où sortait ce type, se demandait-on ? Craven avait-il été le débusquer dans un quelconque asile ? On a appris depuis que Berryman était un vrai acteur, qu’il était déjà dans Vol au-dessus d’un nid de coucous – où, là aussi, de véritables comédiens se faisaient aisément passer pour ce qu’ils n’étaient pas dans la réalité. Et qu’il souffrait d’une maladie génétique savamment nommée « syndrome de Christ-Siemens-Touraine », qui l’avait dépourvu de système pileux, de glandes sudoripares, d’ongles et de sensibilité dans certains nerfs (merci wiki). Berryman faisait alors une sacrée impression, due à son physique peu commun, bien sûr, mais aussi à une présence certaine. Et bien, rassurez-vous, Berryman en impose toujours autant !

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C’est donc avec beaucoup de recul que, plus de trente ans après, on attaque une nouvelle vision de La colline a des yeux. Les ptits gars, mine de rien, on a beau se la jouer blasés et étanches à toute nouvelle épreuve, le film fonctionne toujours. Rien que l’ouverture sur la trogne rougeaude de John Steadman, le tarin épanoui, le parler péquenaud (les Américains disent redneck), montre qu’on a affaire à quelque chose de spécial. Un film qui sort des sentiers battus à la manière du Texas Chainsaw Massacre (1974, Massacre à la tronçonneuse) de Tobe Hooper trois ans plus tôt. Tous ces films, archicopiés depuis, ont été de réels modèles du genre, ont osé se risquer sur des voies tellement peu empruntées et devenues aujourd’hui des autoroutes. Ce qui choquait à l’époque, et remue encore aujourd’hui quoiqu’on en ait vu d’autres, c’était la gratuité des actes commis. D’autant plus que les fous furieux qui peuplaient le désert où osaient s’aventurer, inconscients, quelques touristes en goguette, s’attaquaient à tout le monde, hommes, femmes, enfants et animaux, pour la simple délectation de tuer. Craven donnait également à ses mystérieux tueurs une dimension mythique en les affublant de prénoms mythologiques comme si, et sans qu’il n’en soit jamais question, les malheureux voyageurs perdus étaient tombés sur une bande de dieux dégénérés. Après tout, dans Malpertuis (1971) de Harry Kümel (tiré d’un bouquin de Jean Ray), les dieux de l’Olympe sont bien enfermés dans un manoir à Anvers. Pourquoi ne se seraient-ils pas paumés quelque part dans le désert de Mojave.

Wes Craven (1939-2015) et quelques-unes de ses créatures

Wes Craven (1939-2015) et quelques-unes de ses créatures

Enfin, la génération des Hooper, Craven et Carpenter qui a tourné ses films d’horreur dans les années soixante-dix prenait toujours soin de saupoudrer des histoires insensées d’un soupçon de politique. Ou de détails allant contre les idées reçues. Ici la famille de touristes est commandée par un vieux briscard (Russ Grieve), un flic à la retraite autoritaire, sûr de lui, macho et qui se fera vite rabattre son caquet alors que le gendre et le fils (Martin Speer et Robert Houston), beaucoup plus freluquets, et les femmes donneront plus de fil à retordre aux méchants.

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John Bloom dans La colline a des yeux 2

Le réel plaisir de spectateur dans tout ça est de se dire que, repris, revu, corrigé, rectifié en tous sens à longueur de survivals – ainsi que les appellent les Anglo-Saxons -, La colline a des yeux reste et demeure un super bon film ! Typique de son époque, certes, qui a pris forcément quelques rides, c’est normal, mais qui fonctionne encore. A tel point que la vision, par curiosité, de la suite ne peut que décevoir. Même si La colline a des yeux 2 nous est livrée pour la première fois en Blu-ray. On a le même cinéaste doué, les mêmes acteurs, le même décor et, pourtant, rien ne marche. On se retrouve en présence d’une bande d’ados stupides qu’on a déjà vus se faire exploser la tronche dans des dizaines de slashers. Les petits fiers-à-bras qui ne cherchent qu’à baiser au plus fort du mystère et de l’angoisse, passez votre chemin. Vos compagnes qui gueulent de tous leurs poumons au moindre pet de scarabée et qui s’aventurent ensuite bêtement au devant d’une mort promise, mourez stupidement si le cœur vous en dit. Les motards bravaches qui dégringolent à la première corde tendue au milieu du chemin, carapatez-vous loin du désert où vous teniez tant à aller. Hélas, La colline a des yeux 2 a tous les défauts de ce qui fonctionnait à merveille dans le 1. La surprise n’y est plus, les morts revivent, l’engouement est passé. Mais qu’importe ! Le n°1 est toujours là et on aura toujours ce plaisir délictueux et coupable à le regarder tard le soir, quand tout autour de vous est silencieux, et que vous retrouvez votre âme d’enfant pervers qui aime se faire peur et y prend goût.

Jean-Charles Lemeunier

La colline a des yeux, sorti en salles le 23 novembre 2016 et en coffret collector spécial 40e anniversaire (2 Blu-ray avec la colline a des yeux 2, un DVD et un livre, Le droit à l’horreur) le 7 décembre 2016 par Carlotta et ESC Distribution.

A noter également la sortie du premier livre en français sur le cinéaste, Wes Craven, quelle horreur ? d’Emmanuel Lefauvre, aux éditions Capricci le 17 novembre 2016.



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