Lorsqu’un film commence d’une manière aussi abrupte que Mio caro assassino (1972, Folie meurtrière) de Tonino Valerii, on se dit que ce qui va suivre va forcément nous plaire. Et c’est le cas. D’autant plus que, comme à son habitude, Le Chat qui fume, qui sort le film en Blu-ray assorti d’un CD compilant les meilleures musiques de films d’Ennio Morricone, ajoute deux suppléments réjouissants : une fine analyse du film par Jean-François Rauger, programmateur de la Cinémathèque française, et une géniale interview de Roberto Leoni, principal scénariste du film.

Plutôt connu pour ses westerns et grâce à son compagnonnage avec Sergio Leone, en particulier avec Mon nom est personne, Tonino Valerii montre qu’il peut être tout aussi à l’aise dans un autre genre, dans lequel les codes sont complètement différents. Le thème principal est l’enlèvement d’une petite fille (jouée par Lara Wendel, future interprète de films sur les amours adolescentes). Leoni raconte d’ailleurs, d’une façon humoristique, que Folie meurtrière est sorti quelques mois après un fait-divers quasiment identique. De là à se faire traiter de chacal, il n’y avait qu’un pas qu’un critique n’hésita pas à franchir. Furieux, Leoni traversa l’Italie pour venir lui dire sa façon de penser et, surtout, que le scénario du film avait été écrit et le film tourné bien avant que cette sinistre affaire se déroule.

Tout part donc d’un meurtre spectaculaire et ce n’est pas déflorer le sujet que de dire qu’il y en aura d’autres et que l’originalité sera souvent présente, devançant quasiment une séquence bien connue du Scarface de De Palma. Comme tout bon giallo, Folie meurtrière se base sur une série de crimes et sur l’enquête policière mené par un flic que Tonino Valerii et son scénariste Roberto Leoni ont voulu assez terne. Le scénariste raconte que l’acteur, George Hilton, était plutôt beau gosse et qu’il fallut lui donner un look et des vêtements qui le rendent beaucoup plus passe-partout. En revanche, question flics, l’accent est porté sur un vieux policier désabusé, incarné par le génial Salvo Randone, qui ajoute à tout ce qui se passe (les morts, les découvertes de la police) son commentaire humoristique, cynique ou désenchanté.

L’humour est aussi présent dans les rapports qu’entretiennent deux vieux vivant non loin de l’endroit où a été commis le premier meurtre. La dame (Lola Gaos) fait comprendre combien son compagnon (Dante Maggio) n’est plus à la hauteur en ce qui concerne le sexe. Leoni saupoudre ainsi son scénario de dialogues corrosifs du meilleur aloi. Quant à la résolution de l’énigme, il choisit de la mener de la même manière qu’Hercule Poirot. George Hilton réunit tous les suspects et, à chaque élément donné, le soupçon se porte sur celui à qui il s’adresse. La scène est très bien filmée, avec en outre des jeux de miroir, et d’autant plus que la pièce est sur deux niveaux. Et n’oublions pas que les films tirés d’Agatha Christie — on pense à la série des Poirot incarnée par Peter Ustinov — ne démarrera que six ans après.

Tout au long du film, Valerii et Leoni se risquent à des scènes qui vont heurter le public, a fortiori celui de 1972. La cruauté des meurtres a déjà été mentionnée mais il faudrait également ajouter cette séquence perturbante qui montre que l’un des personnages soupçonnés (Alfredo Mayo) est un pédophile. Ou ce clin d’œil à Corbucci quand l’institutrice est surprise à regarder toute seule, chez elle, la scène de la femme fouettée dans Django. Comme si elle prenait plaisir à cet exemple de sadisme, elle dont on se doute qu’elle sera la prochaine victime. Autant de circonstances qui prouvent, comme bien d’autres moments tout au long de ce fascinant giallo, que Folie meurtrière est tout sauf un produit de série.
Jean-Charles Lemeunier
Folie meurtrière
Année : 1972
Titre original : Mio caro assassino
Origine : Italie
Réal. : Tonino Valerii
Scén. : Roberto Leoni, Franco Bucceri, José Gutierrez Maesso, Tonino Valerii
Photo : Manuel Rojas
Musique : Ennio Morricone
Montage : Franco Fraticelli
Durée : 100 min
Avec George Hilton, Salvo Randone, William Berger, Patty Shepard, Marilu Tolo, Manuel Zarzo, Piero Lulli…
Sortie en coffret Blu-ray + CD des meilleures musiques d’Ennio Morricone par Le Chat qui fume le 15 février 2022.