Classique indémodable de la comédie italienne, Profumo di donna (1974, Parfum de femme) ressort ce 19 avril chez Tamasa en combo DVD + Blu-ray, accompagné d’un livret (une interview de Dino Risi par Yves Alion). Raison de plus pour revenir sur ce beau film empli d’humanité.
Issue du néoréalisme, la comédie italienne des années soixante et soixante-dix s’est toujours attachée à présenter la société sous toutes ses facettes, politiques et humaines. Chaque fois les personnages, qu’ils soient interprétés par Marcello Mastroianni, Vittorio Gassman, Alberto Sordi, Ugo Tognazzi ou Nino Manfredi (pour citer les plus connus), étaient pétris de contradictions, de force et de faiblesses et pouvaient se montrer tout à la fois attachants et odieux. Gassman, justement, en avait fait une très forte démonstration, déjà chez Dino Risi, avec Il sorpasso (Le fanfaron), en 1962.

On retrouve toutes ces qualités dans le personnage incarné par un magnifique Vittorio Gassman d’abord joyeusement, puis avec beaucoup plus de profondeur au fur et à mesure qu’avance l’histoire de Parfum de femme. Le capitaine Fausto Consolo, dont doit s’occuper dès le début du film un jeune militaire (Alessandro Momo, au jeu très juste, qui fut malheureusement tué lors d’un accident de moto avant la sortie du film), est un type acariâtre, incontrôlable, dont on dirait aujourd’hui, avec le manque de vocabulaire significatif de notre époque, qu’il est extrêmement chiant. Il faut dire que le capitaine en question a des circonstances atténuantes. Une explosion lui a fait perdre une main et l’a rendu aveugle.
Dès le démarrage, nous nous trouvons partagés entre divers sentiments, dès que le jeune homme pénètre dans l’appartement de Fausto. L’étrangeté du lieu et l’inquiétude à ne pas voir tout de suite le capitaine sont contrebalancées par l’obligation qu’ont le jeune militaire et la vieille dame qui le reçoit, la tante de Fausto, avançant sur des patins : ils doivent faire attention au parquet en marchant. Dino Risi et son scénariste Ruggero Maccari sont passés maîtres dans l’art du détail qui tue !

Le jeune militaire, que Fausto baptise arbitrairement Ciccio, récupère son capitaine à Turin et doit l’amener par train jusqu’à Naples, après deux arrêts à Gênes et Rome. Évidemment, Ciccio va apprendre à connaître et apprécier Fausto au cours du voyage.

Parti d’un pied léger, malgré la gravité du propos, Dino Risi mise (et il a bien raison) sur les qualités de son interprète principal pour montrer que, derrière l’apparence première et l’orgueil de Fausto, se dissimule une tout autre réalité. Et le spectateur se surprend à guetter chez Gassman une mimique, un regard vide mais qui malgré tout en dit parfois long, qui démentent l’outrecuidance du personnage. Car la comédie, en s’approchant de la destination finale que représente Naples, s’efface progressivement devant le drame. C’est à ce moment précis qu’apparaît la lumineuse Agostina Belli dans le rôle d’une jeune fille amoureuse de Fausto, que celui-ci n’a de cesse, cruellement, de rejeter.

Une fois tous ces personnages clairement définis et à leur place, le drame va alors pouvoir commencer. On ne dira jamais assez la force de cinéastes tels que Dino Risi, Mario Monicelli ou Ettore Scola qui réussissaient, par le biais de la comédie, à aborder des sujets autrement plus sérieux. Significatives des rebondissements successifs connus par le pays (la guerre, le boom économique, le terrorisme des années de plomb, la misère des uns et la richesse des autres, etc.), ces comédies dessinèrent l’Italie telle qu’elle était réellement.
Ceci n’échappa bien sûr pas au reste du monde. Les comédies italiennes en général et Parfum de femme en particulier se taillèrent un beau succès un peu partout. Ainsi, le film de Dino Risi se vit-il attribuer le César du meilleur film étranger, tandis que Vittorio Gassman obtenait le prix d’interprétation à Cannes. Et, consécration suprême : Parfum de femme fut repris par les Américains qui en tournèrent un remake, Le temps d’un week-end, avec Al Pacino. C’est dire !
Jean-Charles Lemeunier
Parfum de femme
Année : 1974
Titre original : Profumo di donna
Origine : Italie
Réal. : Dino Risi
Scén. : Dino Risi, Ruggero Maccari d’après Giovanni Arpino
Photo : Claudio Cirillo
Musique : Armando Trovajoli
Montage : Alberto Gallitti
Durée : 103 min
Avec Vittorio Gassman, Alessandro Momo, Agostina Belli, Moira Orfei, Vernon Dobtcheff, Alvaro Vitali…
Sortie ce 19 avril 2022 chez Tamasa en combo DVD + Blu-ray, accompagné d’un livret. Version restaurée 4K.