Dans un supplément du Blu-ray À coups de crosse, édité par Le Chat qui fume, l’actrice Fanny Cottençon parle du réalisateur du film, l’Espagnol Vicente Aranda (1926-2015), et dit de lui : « Il était très drôle, un peu anar. »
Anarchisme que l’on retrouve dans ce Fanny Pelopaja (À coups de crosse), un film qu’il tourne en Espagne en 1984 avec deux vedettes françaises : Fanny Cottençon et Bruno Cremer. D’abord parce qu’Aranda, à aucun moment, ne cherche à cacher la vérité des rapports entre ses deux personnages. La première est la copine d’un voyou que Cremer, flic ripou, recherche. Il va se créer entre eux une relation étonnante, faite de violence et de sexualité. « Ce n’est pas qu’un polar, remarque l’actrice. C’est aussi une grande histoire d’amour ! » Une love story pas dans le genre de celles que les bourgeois imaginent, qui est tout sauf confortable et d’autant plus rude, plus belle.

Et puisque Vicente Aranda va jusqu’au bout de ses idées, il n’hésite jamais. Ainsi, après la première rencontre entre le flic et la délinquante — elle a été surprise en train de voler dans un supermarché —, Cremer amène directement Cottençon dans un hôtel, la fait se déshabiller face caméra puis s’agenouiller sur le lit pour présenter ses fesses, séquence dérangeante s’il en est, où la violence et le désir brouillent les pistes. Le film est d’ailleurs proposé en deux versions, la française et l’espagnole, et l’on se rend compte que la seconde (malgré tout parlée en français, sauf pour les séquences coupées du montage français et qui reprennent la langue ibérique et les sous-titres français) est beaucoup plus forte et plus crue que la première, avec des scènes de shoot et de meurtres qui n’existent pas dans l’autre montage.

Aranda ne nous épargne pas non plus quelques plans chocs, tel ce dentier qui apparaît au premier plan dans un verre et que Fanny Cottençon va poser dans sa bouche. On comprendra par la suite qu’il est la conséquence d’une violence supplémentaire. Jamais non plus le cinéaste cherche à rendre ses personnages sympathiques. Il faut les prendre tels qu’ils sont et Aranda fait tellement bien son boulot que le spectateur s’attache à cette fille dure, sur laquelle on apprendra très peu. Malgré tout, ainsi que le souligne Fanny, on trouve dans le film « un ou deux moments de tendresse ».

Quand À coups de crosse ne traite pas des rapports musclés entre Bruno Cremer et Fanny Cottençon, il replonge dans le polar avec l’attaque d’un fourgon blindé minutieusement préparée et plutôt bien foutue. Mais, et c’est sans doute sa plus grande force, il propose surtout deux personnages que l’actrice traite de « monomaniaques, sans beaucoup de psychologie » et qui font toute l’originalité de ce film dont on ne peut que saluer la sortie en Blu-ray. D’autant plus qu’il est remarquablement interprété.
Jean-Charles Lemeunier
À coups de crosse
Année : 1984
Titre original : Fanny Pelopaja
Origine : Espagne, France
Réal. et scén. : Vicente Aranda
D’après un roman d’Andreu Martin
Photo : Juan Amoros
Musique : Manel Camp
Montage : Teresa Font
Durée : 91 min (montage français), 101 min (montage espagnol)
Avec Fanny Cottençon, Bruno Cremer, Francisco Algora, Berta Cabré…
Sortie en DVD/Blu-ray par Le Chat qui fume le 31 décembre 2022.