C’est sans doute Philippe Rebbot, l’un des deux interprètes avec Mathias Mlekuz, qui le réalise, de cet attachant film qu’est À bicyclette !, qui le définit le mieux : « Entre le documentaire et l’affection. » Et il ajoute : « On appelle cela un geste ! »
Les deux amis — ils le sont dans la vie comme à l’écran — étaient de passage à Lyon pour l’avant-première du film, en compagnie de leur chef opérateur Florent Sabatier. Et, comme dans le film, ils se soutiennent, se chamaillent, ont des élans d’émotion et renvoient la même image de sympathie générée par À bicyclette !
D’un sujet terrifiant — refaire en vélo le voyage jusqu’à Istanbul de Youri, son fils décédé —, Mathias Mlekuz signe un beau road movie tout à la fois mélancolique et drôle, léger et sombre. Dans ce duo de clowns — car les deux compères, tout au long de la route, donnent des spectacles ici et là —, Mathias fait office de clown blanc et Philippe d’auguste. Ainsi, le premier se permet-il d’avoir des moments de tristesse, le second de râler sur la dureté du chemin. Mathias peut aussi plaisanter avec son ami ou des gens de rencontre et Philippe plonger soudain dans un désespoir solidaire.
Autant dire que Mathias et Philippe portent le film avec beaucoup de sensibilité. Et quand on demande au premier s’il s’est posé la question de l’impudeur, il semble surpris. « Le grand frisson, répond-il, a été la première projection au festival du film francophone d’Angoulême (NDA : où le film a remporté un grand succès, couronné par les prix du public, de la mise en scène et de la musique), je me suis dit que c’était peut-être impudique parce que très intime. Est-ce qu’un film aussi intime allait intéresser les gens ? »
La réponse, qu’on lui donne volontiers, est que, bien sûr, oui, une telle intimité et un tel style ne peuvent que toucher le spectateur. Florent Sabatier apporte un questionnement supplémentaire : « Quand il y a eu par exemple l’engueulade entre les deux, dans le champ, on s’est demandé s’il fallait continuer à filmer, avec toute cette émotion. » Là encore, la réponse est positive.
Les deux hommes, qui sont à la fois tous deux acteurs et réalisateurs (Mlekuz a déjà signé Mine de rien en 2020 tandis que Rebbot est l’auteur, avec Romane Bohringer, de L’Amour flou, le film en 2018 et la série trois ans plus tard), ont une conception du cinéma qui est tout sauf classique. Ce que résume ainsi Philippe Rebbot : « Le premier jour, on dit « Action ! » et le dernier « Coupez ! ».
Mathias Mlekuz reprend : « On est des comédiens et on était nous-mêmes. » C’est d’ailleurs ce qui fait que le film sonne aussi juste. Les téléréalités dont nous inondent les différentes chaînes de télé surjouent les émotions. Et les surjouent très mal. Dans À bicyclette !, l’émotion, très présente, n’est jamais surjouée, sans doute parce que les deux personnages sont justement comédiens et qu’ils savent exprimer leurs sentiments, malgré eux, avec justesse.
« Les deux seuls textes écrits, reprend Mathias, sont celui que je lis devant l’assemblée au début et celui de Joseph, à la fin. »
Quant à Philippe Rebbot, il ajoute : « Ce genre de films, c’est là où je me sens bien. Un film sur une émotion. C’est ce cinéma que j’ai envie de faire, où l’on peut développer de l’intime. »
Si À bicyclette ! a eu du mal à trouver un distributeur, son passage à Angoulême dans la compétition, fort de six projections qui ont toutes connu des standing ovations, a remis ce beau film dans la course. Ad Vitam l’a pris en charge et tous ceux qui l’ont déjà vu espèrent qu’il fera un long chemin.
Jean-Charles Lemeunier
À bicyclette !
Année : 2024
Origine : France
Réal. : Mathias Mlekuz
Scén. : Mathias Mlekuz, Philippe Rebbot
Photo : Florent Sabatier
Musique : Pascal Lengagne
Montage : Céline Cloarec
Durée : 90 min
Avec Mathias Mlekuz, Philippe Rebbot, Josef Mlekuz, Adrianne Gradziel, Marzieh Rezaee…
Sortie en salles le 26 février 2025 par Ad Vitam.