
Avec cet Iron Man que sort en DVD/Blu-ray Elephant Films, ne vous attendez pas à une nouvelle aventure du héros Marvel interprété par Robert Downey Jr. et encore moins à une enquête de Robert Dacier, immortalisé par Raymond Burr dans son fauteuil roulant — mais la série L’Homme de fer s’intitulait en v.o. Ironside.
Tourné en 1951 par Joseph Pevney, Iron Man est le drame d’un boxeur malgré lui qui encaisse les coups jusqu’au moment où il est pris d’une rage folle qui lui offre tout à la fois la victoire et les huées du public. Ce boxeur, Coke Mason, est incarné par Jeff Chandler, acteur taciturne s’il en est, déjà à l’affiche d’un autre film édité par Elephant, Le Déporté.

Le film démarre à Coaltown qui, comme son nom l’indique, est une ville minière. Là, Coke le bien nommé extrait du charbon et se destine, une fois qu’il aura gagné suffisamment d’argent — c’est-à-dire dans une centaine d’années — à épouser Evelyn Keyes et à ouvrir un magasin de radios. Mais son frère (Stephen McNally), qui a travaillé en sous-sol avant lui, est devenu un flambeur qui le pousse à monter sur le ring. Car, pour doux et plongé dans la lecture qu’il soit, le frangin sait malgré tout, quand il le faut, se servir de ses poings. Dans lesquels il a, dixit McNally, « de la dynamite ».
Seulement, après quelques matchs, le public et un journaliste sportif qui suit sa carrière s’en rendent compte : Coke « boxe salement ». Le film suit donc — c’est là sa grande originalité — un boxeur raté. Et qui souffre des réactions toujours dégradantes des spectateurs.
S’éloignant des classiques — on pense, par exemple, à Marqué par la haine (1956) ou à Raging Bull (1980), ces histoires de boxeurs ayant marqué l’histoire de leur sport tels Rocky Marciano et Jake La Motta —, Iron Man s’apparente plus à un sommet du genre, Nous avons gagné ce soir (1949). Dans ce film, Robert Wise oriente sa caméra tantôt vers le ring, où deux hommes combattent, tantôt vers la salle, où les gens se mettent à hurler et se comportent comme s’ils étaient des Romains assistant aux jeux du cirque. De la même façon, Iron Man s’intéresse aux réactions du public — qui déteste Coke — et à celle de l’épouse de ce dernier, affligée de constater tant d’animosité envers son mari. Sur le ring, Jeff Chandler plie sa haute taille (il mesurait 1,93 m) et combat le dos vouté, donnant à son personnage autant d’appréhension que de rage lorsqu’il porte ses coups.

Et puisqu’il est question du casting, mentionnons la valeur de Stephen McNally, un acteur qui a su interpréter autant de personnages sympathiques qu’antipathiques. Et quand ils le sont, l’acteur sait leur donner de la profondeur, ne les caricaturant jamais. On pense au bandit échappé de Même les assassins tremblent de Dick Powell, au cowboy de Winchester 73 et, quand il est du bon côté de la barrière, au flic qu’il joue dans Pour toi j’ai tué.
De la même façon, le frère de Coke qu’il interprète dans Iron Man a des côtés courageux — c’est lui qui sauve les mineurs de l’effondrement — et des aspects de sa personnalité moins attirants : joueur et profiteur, il force son frère à se battre alors que ce dernier n’y tient pas.

On reconnaîtra encore Rock Hudson dans le rôle du sparring partner de Coke et Jim Backus, le père de James Dean dans La Fureur de vivre, qui joue ici un journaliste sportif. Côté féminin, Evelyn Keyes, également appréciée dans un autre film édité par Elephant, Le Rôdeur, incarne, toute en retenue, Rose, la femme du boxeur, tandis que Joyce Holden est la jolie photographe qui tourne autour du champion. Chez Rose, tout est intériorisé : « J’ai vieilli de dix ans ce soir » se plaint-elle après un combat.
Déjà porté à l’écran par Tod Browning en 1931, avec Lew Ayres dans le rôle de Coke Mason (ici appelé Kid Mason) et Jean Harlow dans celui de Rose, Iron Man est adapté d’un roman de W.R. Burnett, immense auteur à qui l’on doit les sujets de Little Caesar (1931, Mervyn LeRoy), Scarface (1932, Howard Hawks), The Beast of the City (1932, Charles Brabin), High Sierra (1941, Raoul Walsh), Yellow Sky (1948, La Ville abandonnée, William Wellman), Asphalt Jungle (1950, Quand la ville dort, John Huston), Arrowhead (1953, Le Sorcier du Rio Grande, Charles Marquis Warren), Captain Lightfoot (Capitaine Mystère, Douglas Sirk) et The Great Escape (1963, La Grande Évasion, John Sturges) qui, tous, ont été soit adaptés de ses romans, soit scénarisés par lui.
Quant à Joseph Pevney, s’il n’a que très peu eu les honneurs de la critique française, il restera néanmoins le réalisateur, comme le souligne Jean-Pierre Dionnet dans son commentaire, de « quatorze des vingt meilleurs épisodes de la série Star Trek », en 1967-68. Ce qui fait déjà un beau palmarès, auquel il faudra désormais ajouter Iron Man.
Jean-Charles Lemeunier
Iron Man
Année : 1951
Origine : États-Unis
Réal. : Joseph Pevney
Scén. : George EZuckerman, Borden Chase d’après W.R. Burnett
Photo : Carl E. Guthrie
Musique : Milton Rosen
Montage : Russell F. Schoengarth
Prod. : Universal Pictures
Durée : 82 min
Avec Jeff Chandler, Evelyn Keyes, Stephen McNally, Rock Hudson, Jim Backus, Joyce Holden, James Arness…
Sortie en DVD/Blu-ray chez Elephant Films le 25 mars 2025.